Le Soir
24/02/2003

Musique: "La Donna del lago" à l'Opéra royal de Wallonie
Les aléas d'un must musical

Par SERGE MARTIN

La visite annuelle d'Alberto Zedda, le directeur du festival de Pesaro, demeure un des grands moments de la saison de l'ORW. Le musicologue italien est en effet un des plus fins connaisseurs du monde du bel canto doublé d'un chef d'orchestre qui sait toujours privilégier l'esprit sur la lettre. Le résultat: des interprétations qui ont le souffle de la vie et qui dépassent largement les contraintes théâtrales du bel canto.

Ce fut une fois de plus le cas vendredi soir au Théâtre royal de Liège avec la première de la " Donna del lago " où, en dépit d'un orchestre parfois déconcentré et d'un choeur manquant un peu de souplesse, il nous a donné une lecture particulièrement vivante du drame historique inspiré à Rossini par Walter Scott. La mise en scène était confiée à Claire Servais qui façonne quelques beaux tableaux statiques centrés sur les beaux décors abstraits de Dominique Pichou et les costumes très colorés de Jean-Pierre Capeyron. A l'exception des scènes d'intimité entre le roi et Elena, le résultat manque par contre singulièrement d'animation. Et ce ne sont ni l'apparition de la cour d'éclopés censée incarner le clan du rebelle Malcolm, ni celle des choeurs en habits de cérémonie très grand chic XIXe pour la scène finale au château du roi qui viendront briser ce carcan figé. Pourquoi d'ailleurs avoir tenté cette incohérence anachronique qui brouille l'action et casse une dramaturgie déjà sommaire?

Restait le plaisir du plateau vocal et là il faut bien admettre que le métier de directeur d'opéra n'est jamais à l'abri des pires aléas. Grand amateur du genre, Jean-Louis Grinda avait programmé une distribution somptueuse qui allait être assez bousculée. Première tuile, Daniela Barcellona, la grande découverte féminine du Festival Rossini de Pesaro, a dû annuler les premières représentations pour motifs de santé. Heureusement, le carnet d'adresses de Zedda fournissait une de ses anciennes stagiaires à l'Académie de Pesaro, organisée en parallèle du festival, et Agata Bienkowska, une Polonaise de 26 ans, acceptait de faire ses débuts dans le redoutable rôle de Malcolm. La chanteuse a du style, la voix séduit même si elle n'est pas toujours très homogène sur le plan des registres et manque encore de puissance dans un emploi, il est vrai exigeant. Deuxième tuile: le ténor américain Bruce Fowler qui devait faire ses débuts à l'ORW dans le rôle de Rodrigue tombe malade le jour de la générale. En méforme complète, il assure néanmoins la représentation, faisant état d'un chant très stylé mais peu engagé face aux contraintes physiques qui le terrassaient. La soirée était néanmoins sauvée et permettait de saluer une fois de plus l'incroyable technique et maîtrise du souffle de Rockwell Blake dans le rôle acrobatique d'Uberto et le mélange de fluidité et d'abattage de la soprano géorgienne Iano Tamar (un nom à retenir!) dans le rôle d'Elena. Très belle tenue dans les plus petits rôles de Leonard Graus (Douglas) et Patrick Delcourt (Serano).

Espérons que l'avenir se montrera plus clément et que la distribution réunie livrera ses pleines possibilités dans les prochaines représentations ainsi que pour les auditeurs du concert de Bruxelles.

ORW, les 25 et 27/2, le 1/3 à 20 h (location : 04/221.47.22).
En concert au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 5/3 à 20 h (location : 04/507.82.00).
L'opéra sera donné en radio sur Musique 3 et en télé sur la Deux le 1/3 à 20 heures.

 

La Libre Belgique
24/02/2003

OPÉRA
"La donna del lago" séduit par sa richesse musicale, mais manque d'idées scéniques.
La donna entre ivresse et convention

par Nicolas Blanmont

Après avoir initialement prévu de coproduire "La donna del lago" avec le festival Rossini de Pesaro, Jean-Louis Grinda y avait renoncé, tant au vu du caractère trop monumental du décor que parce que la production donnée là en 2001 n'avait rien d'enthousiasmant. Et de confier une nouvelle lecture à Claire Servais, metteur en scène associée à l'ORW. Empreint de statisme et d'une certaine naïveté, le résultat ne convaincra sans doute pas ceux qui s'interrogent aujourd'hui sur la possibilité d'inscrire le bel canto dans les canons théâtraux actuels, une quadrature du cercle qui avait par exemple conduit Bernard Foccroulle à abandonner ce répertoire après l'avoir annoncé comme un point fort lors de son arrivée voici dix ans à la Monnaie.

Magnificence des costumes

Il faut certes faire la part des choses. Le statisme n'est pas un vice en soi, et il est même préférable à certaines agitations artificielles. Combiné avec un certain symbolisme et assorti d'une direction d'acteurs affinée, il peut même laisser place à une réelle intensité. Tel n'est toutefois pas le cas ici.

On peut éventuellement s'accommoder de l'absence de tout concept dramaturgique -il en est trop qui ne sont que détournements- mais il est possible de jouer avec plus de subtilité la carte du premier degré. Il y a d'abord un hiatus gênant entre les décors assez banals de Dominique Pichou (grand escalier, arbres de carton pâte, herse pesante) et la magnificence un peu ostentatoire des costumes de Jean-Pierre Capeyron (avec des Écossais plus vrais que nature), le tout souligné de façon parfois insistante par les lumières de Jacques Chatelet.

Il y a aussi des mouvements de choeur et de foule d'une impardonnable naïveté et une direction d'acteurs aux abonnés absents, le tout frisant parfois même le kitsch comme dans ce début de ballet où des guerriers à moitié nus figurent les partisans de Malcolm. On en arrive à ce que protagonistes et figurants ne semblent plus mus que par une sorte de volonté appliquée de construire des tableaux, et ce n'est pas la fausse audace d'un final en costumes XIXe qui vient tromper ce manque d'inspiration.

Sans savonner

Reste heureusement, comme chaque fois que l'ORW met le bel canto à l'affiche, une belle ivresse musicale nonobstant quelques accidents le soir de la première (orchestre faiblissant au deuxième acte, problèmes de santé du second ténor Bruce Fowler). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il suffit d'atteindre le premier duo entre Elena et Uberto pour passer du sourire à l'émotion: Iano Tamar campe la première avec noblesse et intensité, tandis que Rockwell Blake incarne le second de façon plus qu'impressionnante, tant pour sa capacité à assumer pleinement toutes les coloratures de "Oh fiamma soave" sans les savonner que par son aptitude et son aisance à donner une même intensité vocale dans tous les registres. On saluera également les débuts dans le rôle de Malcolm d'Agata Bienkowska: remplaçant Daniela Barcellona (qui assumera néanmoins les trois dernières représentations), cette jeune mezzo-soprano polonaise révèle un très beau timbre et une étonnante puissance dans l'aigu, même si le médium réussit moins à s'épanouir. Dans la fosse, Alberto Zedda confirme une fois encore sa connaissance parfaite de ce répertoire: sa capacité à construire les crescendos, mais aussi les nuances qu'il obtient de l'orchestre relèvent du grand art.

Réédition

Parallèlement à ces représentations, Philips réédite fort opportunément dans sa collection Duo (deux CD au prix d'un) l'enregistrement de "La donna del lago" réalisé en 1992 à la Scala par Riccardo Muti. Fût-ce un léger cran en dessous de la version Pollini (Sony), il permet de retrouver le superbe Uberto de Rockwell Blake, mais aussi June Anderson (Elena), Martine Dupuy (Malcolm) et Chris Merritt (Rodrigo).

Liège, Théâtre Royal, les 25 et 27 février, le 1er mars (direct TV sur la Deux). Bruxelles, PBA, mercredi 5 mars à 20 h (en concert).

© La Libre Belgique 2003

 

Forum Opéra
Liège le 21 février 2003

Opéra de Liège: La donna del lago

Par Christian Peter
(Dominique Vincent)

Saluons l'heureuse initiative de l'Opéra Royal de Wallonie qui peut s'enorgueillir avec cette nouvelle production de La Donna del Lago d'avoir assuré la création de l'ouvrage en Belgique. Point ici de transposition hasardeuse, c'est bien dans les brumes d'Ecosse, au Moyen-âge, que se déroule l'action : les soldats arborent fièrement kilts et tartans, en particulier les partisans de Malcolm qui semblent tout droit sortis du film Braveheart, les bardes sont curieusement enrubannés de rouge et parmi les solistes, vêtus de couleurs sombres, se détachent les robes immaculées d'Elena.

Sans être d'une folle originalité, les décors de Dominique Pichou ont le mérite d'être efficaces: un immense escalier bleu emplit l'espace scénique, permettant de distinguer précisément les personnages parmi les nombreux choristes, en toile de fond un ciel nuageux évoque les horizons nordiques. Des éléments surgissant des cintres ou des côtés : arbres stylisés, rochers, épées... qui complètent astucieusement l'ensemble, nimbé de teintes aquatiques.

Hélas, Claire Servais n'a pas su tirer parti de cet ingénieux dispositif: sa mise en scène, par trop statique, manque singulièrement d'imagination : les chanteurs, qui semblent livrés à eux-mêmes, adoptent des poses stéréotypées, d'un autre temps. En outre, au second acte, les choses se gâtent: la vision "gore" d'un champ de bataille où gisent des corps décapités et un cheval éventré prête surtout à sourire!

Changement radical à vue pour le rondo final: la scène représente une salle de concert au 19ème siècle, les courtisans, au milieu desquels trône Uberto, sont les spectateurs face auxquels Elena chante son air dans la lumière d'un projecteur. Est-ce pour souligner qu'il s'agit d'un morceau de bravoure attendu? Le résultat crée une rupture dramatique qui laisse perplexe et que seule une interprétation époustouflante de l'aria eut pu justifier.

Sur le papier, la distribution, on ne peut plus alléchante, réunissait quelques uns des spécialistes de ce répertoire: le plus grand ténor rossinien de sa génération, une mezzo qui a triomphé en Malcolm à Montpellier et Salzbourg l'été dernier, un jeune lauréat du concours Opéralia à la carrière prometteuse, et un chef pour qui la musique du Cygne de Pesaro n'a pas de secrets.

Le résultat pourtant, n'est pas tout à fait à la hauteur de nos attentes. Oublions l'Albina fade, à l'aigu aigrelet d'Emilienne Coquaz, et soulignons les qualités des membres de la troupe de l'Opéra Royal de Wallonie, notamment l'excellent Douglas de Léonard Graus, autoritaire et bien chantant.

Daniella Barcellona souffrante ayant différé ses débuts attendus sur la scène liégeoise, c'est à la mezzo polonaise Agata Bienkowska qu'échoit la lourde tâche de la remplacer . N'accablons pas cette jeune cantatrice qui fait ses premiers pas ici dans des conditions difficiles et pour qui Malcolm est de surcroît une prise de rôle, mais il faut bien reconnaître que la justesse est approximative - elle a par moment tendance à chanter trop haut - et si l'aigu est clair et solide, le bas médium et le grave sont affligés de désagréables sonorités dans les joues. En outre, son jeu se limite à quelques poses convenues, faute d'une direction d'acteur inventive.

Bien connue des mélomanes depuis sa Sémiramis à Pesaro en 1992 qui a fait l'objet d'un enregistrement remarqué, Iano Tamar arbore un timbre sombre qui convient mieux à la reine de Babylone qu'à la douce Elena, mais sa prestation convainc tant sur le plan scénique que vocal, du moins jusqu'au rondo final qui n'est pas le feu d'artifice attendu et suggéré par la mise en scène : tempo ralenti, vocalises prudentes, tout est chanté mezzo forte comme si elle craignait d'aborder cette page brillante à pleine voix.

Tout oppose les deux prétendants malheureux de la belle: si l'Almaviva de Bruce Fowler à Bastille avait déçu, son Rodrigo est plus calamiteux encore ! La vocalisation est approximative et l'aigu conclusif de son air d'entrée lui reste dans la gorge. Fatigue passagère ? On ose l'espérer s'agissant d'un artiste dont le répertoire comporte des emplois belliniens aussi tendus qu'Ernesto du Pirate ou Arturo des Puritains qu'il compte aborder prochainement. Reste à son actif un timbre séduisant qui serait davantage mis en valeur dans des rôles moins périlleux que ceux qu'il chante, à l'évidence trop prématurément.

La beauté du timbre, en revanche, n'a jamais été la qualité première de Rockwell Blake, et force est de constater que le temps a fait son oeuvre sur une voix qui n'a plus tout à fait l'insolence d'autrefois. Néanmoins, l'aigu, même négocié avec précaution, est toujours là, et la technique reste magistrale : son air du deux "O fiamma soave" demeure un modèle d'interprétation, accueilli par l'immense ovation d'un public littéralement sous le charme. Ces acclamations d'où émergeait le cri d'enthousiasme d'un jeune fan énamouré ont-elles dopé le ténorissimo ? A partir du duo avec Elena et jusqu'à la fin de l'ouvrage, nous avons presque retrouvé le grand "Rocky" d'autrefois, salué au rideau final par une salle debout.

On ne dira jamais assez l'importance de la contribution d'Alberto Zedda à ce répertoire qu'il affectionne particulièrement. Cependant, il faut reconnaître que sa direction a quelque peu déçu : si l'on retrouve ici la précision et la dynamique auxquelles le maestro nous a habitués, on peut regretter qu'il ait surtout souligné l'aspect martial -pour ne pas dire tonitruant - de la partition au détriment des passages poétiques qui manquent cruellement de délicatesse et d'abandon. Quelques fausses notes dans les pupitres des vents, en particulier les cors, très sollicités dans cet ouvrage, s'estomperont sans doute au fil des représentations.

Les choeurs, enfin, ont vaillamment assuré leur partie si essentielle, les hommes en particulier, avec une belle homogénéité vocale.

Une soirée somme toute mitigée dont le grand triomphateur est encore et toujours le divin Rockwell.

Autres représentations : les 21, 23, 25, 27 février et le 1er mars à Liège.
Le 5 mars à Bruxelles à la Société philharmonique en version de concert.
Les 16 et 18 mars 2003 à l'Opéra d'Avignon avec Ewa Podless en Malcolm.

 

Mundo Clasico
11.03.2003

La vieja Europa del joven Rossini

Jorge Binaghi

"Yo, tirano de su corazón? ¿Hacerla infeliz yo mismo?.....¡Adiós! Respeto tus sentimientos"... Es el rey de Escocia quien le habla a la protagonista. Serias o dramáticas (no nos olvidemos que hasta detrás de Semiramide, cercana en el tiempo a esta obra, está Voltaire), las óperas de Rossini insisten en la prudencia en el ejercicio del poder, que es servicio, responsabilidad y deber para con los gobernados. En su canto del cisne, Guillermo Tell, el autor -gracias a Schiller (cuántas correspondencias subterráneas con Verdi, que no en balde quiso dedicarle en un primer momento una parte del Réquiem que terminó siendo un homenaje a Manzoni)- llegaba hasta lo que ocurre cuando los gobernante no son como deben ser... Y sin esta rarísima Donna, ni música ni temática de la última obra maestra del pesarés hubieran sido lo que son. Porque en 1819 Rossini mira ya al romanticismo sin renunciar a su estilo y a sus valores musicales. La primera escena de la obra apunta claramente al Tell, en el trío del segundo acto hay vislumbres de Verdi, la gran aria del rey "O fiamma soave", sin dejar de ser una catedral del belcanto, es al mismo tiempo una expresión de un lirismo que rehúye (como en algunos de los dúos) la obligada "cabaletta". Cierto, el rondó final y el personaje en travesti de Malcolm miran al pasado (o al presente según Rossini), pero el canto de los bardos (que no en vano sirvió a los italianos hasta que llegó el terremoto en forma de Nabucco) se proyecta hacia adelante. Esta ópera es una especie de "Jano bifronte", aquella divinidad romana que miraba al año nuevo pero sin dejar de tener un ojo en el viejo. Y es ese el valor inconmensurable de Rossini en su época (y en todas): profundamente italiano y tradicional, es un renovador y un hombre de mundo que termina instalándose definitivamente en París, por entonces el foco -no sólo musical o cultural- de Europa. Lo que de mejor ha dado este viejo continente que, con todos sus ires y venires, un paso adelante y dos atrás (a veces más de dos), aprende lentamente a convivir y a, justamente como dice el texto, respetar al otro.

En un año en que parece que todos se acuerdan de Rossini (muy bien, más deberían hacerlo), Lieja, que siempre se ha distinguido por su defensa del repertorio belcantista que los otros centros belgas parecen ignorar o despreciar (no es que se lo pierdan ellos, es que se lo hacen perder al público, y no son teatros privados), se ha animado a presentar, con gran éxito de público y crítica, una versión escénica en su teatro y una función de concierto en Bruselas, al final, que personalmente (he asistido a dos representaciones) considero la mejor. La dificultad de la puesta de la obra es grande, y Claire Servais por lo menos no hizo un espectáculo ridículo, pero, aunque oscuramente intuyó a Rossini, ni los gestos estereotipados y mecánicos son verdadera tradición, ni el repentino cambio final (por la dificultad de insertar el rondó de Elena, el momento hoy más conocido de la ópera) a una corte decimonónica es el atisbo del futuro en el presente. Cuando los cantantes se despreocuparon de vestidos y marcación, curiosamente se crecieron en lo musical y en lo interpretativo. Claro que tuvieron siempre el apoyo de ese diminuto y fervoroso Alberto Zedda, cada vez más joven (como su amado Rossini), que confesaba al final de una de las funciones, con total humildad, que sólo ahora empezaba a comprender por dónde iban los derroteros del belcanto donizettiano. Mucha modestia, y un ejemplo de seriedad, pero su Rossini no tiene secretos: la forma de crear el crescendo típico desde el interior, la intensidad y la vivacidad, el tiempo para respirar en medio de una frase (no tiene sentido señalar momentos en una labor tan superior, pero el segundo acto era sencillamente colosal) Y de paso, la orquesta, que sigue con verdadero entusiasmo a su director (porque cuando uno cree en algo tan profundamente los demás terminan contagiados), sonó como cada vez que tiene la suerte -no muy frecuente- de contar con una batuta de este nivel. El coro, preparado por Edouard Rasquin, ha vuelto a recuperar puntos pero ha tenido que ceder ante la orquesta. Los comprimarios pusieron en evidencia la dificultad "natural" de Rossini. Léonard Graus, tras años de trabajar con Zedda, parece haber empezado a comprender cómo hay que hacer, pero no puede impedir la rigidez y lo estentóreo de algunos agudos. Iano Tamar es una voz de gran importancia, cálida y oscura (y muy engolada), pero el fiato es corto, la afinación oscilante, los recitativos no siempre revelan maestría, el italiano no es malo pero tampoco bueno, la agilidad es sumaria y escolar; con todo, para esa difícil protagonista, más que discreta. Bruce Fowler fue -en el imposible personaje de Rodrigo con esa tesitura inhumana- una grata sorpresa, aunque no pudo evitar que la última nota de su aria de entrada se convirtiera en un grito (creo que nadie puede):voz sana, buen italiano, sentido del estilo, técnica prácticamente perfecta. Claro que tenía que competir con el rey, en más de un sentido. Rockwell Blake no ha tenido nunca un timbre bello, y hoy el grave aparece destimbrado, pero su dominio de la emisión y del canto del tenor rossiniano, su portentoso legato y la administración del fiato, la variedad de colores en los recitativos y, esta vez, también en el aria mencionada (un memorable ejemplo de canto expresivo) siguen haciendo de él algo único. Giacomo Leopardi, hablando de la música portentosa de esta obra, señala que las voces deben ser "sorprendentes". Amén. Y para terminar de mejorarlo todo, Malcolm era Daniela Barcellona en el apogeo de sus formidables medios (de una extensión, un color, una franqueza de emisión que la colocan en la cumbre), totalmente entregada desde su recitativo inicial "Mura felici", pasando por una deslumbrante intervención en el finale primo y obteniendo con justicia ovaciones ensordecedoras y aquí poco habituales al término de sus dos intervenciones como solista, dueña de un canto de agilidad y una homogeneidad entre los registros absolutamente inauditos: el espectáculo de un cantante que disfruta con su arte y que transmite al público ese placer íntimo al tiempo que le permite acceder a un personaje y a un autor es siempre algo raro y entusiasmante. Y uno sale de este Rossini como siempre debería: sin cansancio, con energías como para echarle el pulso al mundo e incluso ganarle a través de una sonrisa, un encogimiento de hombros, un sacudimiento de cabeza: nunca con la fuerza, y menos con la prepotencia. El famoso crescendo no es nunca caos y en él o se salvan todos o no queda nadie, Cuando logremos un concertante rossiniano, nosotros o nuestros descendientes, habremos ganado apostando por la vida.

Lieja, 27 de febrero de 2003.