forumpéra.be
Montpellier, 29.07.2002

Rinaldo

On se réjouissait en ce soir de juillet en se rendant à l'Opéra comédie de Montpellier. Au programme, un des plus beaux ouvrages de Haendel, celui-là même qui marqua son entrée triomphale dans la vie musicale londonienne . Le chef? Un spécialiste de ce répertoire: témoin sa superbe Agrippina au théâtre des Champs-Elysées en 2000, et son enregistrement de Jules César au sommet de la discographie. La distribution? Des plus prometteuses, avec dans le rôle-titre une cantatrice présentée comme une nouvelle Diva. Oui, l'on pouvait s'attendre à vivre une soirée lyrique excitante, voire mémorable.

Mémorable, elle le fut, hélas ! On n'oubliera pas de sitôt un désastre pareil!

Jugez plutôt : au lever du rideau, le cadre de scène est occupé par un mur rouge sur lequel l'effigie géante d'un soldat en treillis, mitraillette au poing, fait songer à une publicité pour un improbable Rambo V. Sauf que le soldat a la tête de Ken, l'ami de Barbie. D'ailleurs au deuxième acte nous aurons droit, sur fond bleu cette fois, à la poupée blonde et sexy, un revolver à la main. Rinaldo et Almirena, sans doute ? Passons sur la fenêtre qui s'ouvre, dévoilant un théâtre de Guignol avec des marionnettes qui se tapent dessus.

Le mur rouge disparaît, laissant place à un hémicycle tapissé de motifs fleuris rose et vert du meilleur goût. Au centre, une bâtisse couleur parme avec un clocher orné de haut-parleurs est placardée de manuscrits en arabe : on suppose que ce monument ridicule - sorte d'église relookée en mosquée- est censé représenter Jérusalem aux mains des Musulmans. En effet, au tableau final, manuscrits et haut-parleurs s'effondrent. Une croix apparaît sur le clocher, à la fenêtre, une Vierge à l'enfant, échappés d'une crèche vivante. Trois figurants habillés en Rois Mages, façon Les Inconnus, s'engouffrent dans l'édifice...

Revenons au premier acte : Rinaldo, on s'en serait douté, est en G.I. avec une barbe de deux jours, c'est tellement plus viril ! Almirena porte une mini-robe de mariée avec voile et couronne de fleurs sur la tête. Elle chante "Combatti da forte" entourée d'un groupe de donzelles qui se livrent à une gestuelle grotesque en comparaison de quoi les chorégraphies des Clodettes, dont elles ont un peu l'allure, étaient du très grand art ! De plus, ces délicieuses créatures gloussent joyeusement juste avant le da capo. Ensuite arrive Argante, djellaba et veste blanches, petits mocassins marron et, sur le crâne, un torchon de cuisine à gros carreaux noirs et gris qui évoque vaguement le foulard palestinien. Pendant l'aria de Goffredo, les Clodettes apportent une télévision et filment le chanteur dont l'image apparaît à l'écran (tiens, cela ne vous rappelle rien ?) Argante est très en colère, il arrache l'antenne : neige, puis, ô miracle, le visage d'Armida emplit la lucarne, juste avant son entrée. Bon sang, mais c'est bien sûr, c'est une magicienne ! En complet veston noir, elle ressemble à l'héroïne de Chapeau melon et bottes de cuir. Soudain elle agite devant les spectateurs médusés une boîte de Friskies dont elle répand le contenu sur le sol, et tandis que le pauvre Argante, à quatre pattes, mange les croquettes avec application, elle lui passe autour du cou une laisse pour chien.

Au tableau suivant, Almirena se saoule au whisky pendant l'aria "Augelletti che cantate". Après elle offre ce qui reste dans la bouteille à Rinaldo. Tous deux terminent leur superbe duo "Scherzano sul tuo volto" en titubant comme des fêtards sortant d'une boîte de nuit. Tout à coup un canari géant, sorte de Titi (sans Gros Minet) enlève la pauvre jeune fille!

A la fin de l'acte, Eustasio habille Goffredo et Rinaldo respectivement en évêque et sacristain, puis des enfants de choeur surgissent et gesticulent comme les Clodettes du début!

Faut-il vraiment continuer?

On se bornera à citer pêle-mêle les sirènes aux seins nus qui s'agitent autour de Rinaldo, la Mercedes coupée en deux sur fond de soleil couchant et, comble du raffinement, la tête monstrueuse d'une poupée gonflable, la bouche béante, projetée en gros plan derrière Armida qui tente d'interpréter dignement "Vò far la guerra" avec des mains postiches démesurées.

Au trois, un kamikaze cagoulé, des bâtons de dynamite autour de la taille, explose, laissant sur le plateau ses deux pieds sanguinolents. Sur un écran, nous pouvons voir des Playmobils assaillir une forteresse et aussi quelques monstres issus d'un mauvais dessin animé japonais. Auparavant, un âne (un vrai !) traverse la scène : sur son dos le petit missile des Musulmans ; de leur côté les Clodettes apportent l'énorme missile des Chrétiens... Vous l'avez compris, ceux qui ont le plus gros seront vainqueurs ! ..Et ceux qui aiment Haendel auront du mal à réfréner leur envie de hurler "Assez!"

Haendel, justement, on avait bien failli l'oublier dans tout ce fatras! Faut-il que les metteurs en scène aient jugé sa musique ennuyeuse et dépourvue d'intérêt pour en distraire le spectateur avec tant d'acharnement et déclencher l'hilarité au moyen de gags stupides et vulgaires même au beau milieu des scènes dramatiques et des airs de déploration. Comment garder en effet une oreille objective quand l'oeil est agressé de la sorte?

Disons-le d'emblée cependant, Vivica Genaux a déçu. Le rôle dépasse-t-il ses moyens ? Nous sommes loin, en tout cas, de la merveille annoncée : la voix, souvent dans les joues, est à court de projection, le timbre a paru bien mat et certains graves fort disgracieux. Enfin, la cantatrice a une façon étrange de vocaliser qui évoque les improvisations des chanteuses de jazz. Quant à l'expression, elle est proche du néant, mais encore une fois, avec un tel environnement... N'empêche, la comparer à Bartoli, voire à Horne ( !) relève de la supercherie pure et simple. Son "Or la tromba" est l'un des plus calamiteux jamais entendus avec en prime des trompettes fausses et un tempo pour le moins déroutant.

Mais qu'est-il arrivé à René Jacobs? Etait-il donc troublé à ce point par ce qu'il avait sous les yeux? Toujours est-il qu'il nous a gratifié d'une direction parfois sèche, souvent brutale, et totalement dépourvue d'émotion, à des années-lumières de ses Haendel précédents.

Point d'émotion non plus dans le chant de Miah Persson, qu'on a entendue bien plus impliquée ailleurs. Peut-on vraiment lui en vouloir ? On l'a obligée à chanter le somptueux "Lascia ch'io pianga", l'un des sommets de la partition, couchée par terre, coiffée et maquillée comme une héroïne des Feux de l'amour, affublée d'une queue de sirène vert fluo et faisant des oeillades d'un goût discutable à Argante...

James Rutherford a, certes, des moyens importants, mais sa voix encore mal dégrossie est privée de nuances. Ses vocalises, en particulier dans son air d'entrée, sont bien laborieuses.

Inga Kalnar ne manque ni de personnalité, ni d'abattage, elle incarne avec une conviction méritoire la sulfureuse Armida. Sa grande scène à la fin du deux, dramatiquement idoine, convainc, mais ne saurait faire oublier les stridences qui avaient entaché son air d'entrée.

Les trois contre-ténors en revanche n'appellent que des louanges.

Imperturbable, Dominique Visse campe le mage chrétien avec sa truculence coutumière, mais pourquoi donc l'a-t-on accoutré comme un mandarin chinois?

L'Eustasio du tout jeune Christophe Dumaux capte l'attention durablement : présence indéniable, timbre séduisant, sa ligne de chant est impeccable, malgré les sacs à dos et autres valises qu'il est contraint de porter en permanence.

Depuis l'Agrippina du Théâtre des Champs-Elysées, Lawrence Zazzo ne cesse de confirmer les espoirs qu'on avait alors placés en lui. Son Goffredo a toute l'autorité requise, la voix agréable et homogène possède une technique solide qui lui permet de triompher d'une partie souvent ardue. De plus, il évolue avec aisance et réussit à n'être jamais ridicule, un exploit!

En guise de conclusion, rappelons une anecdote célèbre : en 1952, à Florence, alors qu'elle répétait une autre Armida (celle de Rossini), la jeune Maria Callas s'émut de voir des danseurs évoluer autour d'elle pendant le terrifiant "D'amor al dolce impero". Elle s'interrompit et demanda qu'on supprime ce ballet qui la gênait pour chanter. Et elle obtint gain de cause. Pour ce genre de réaction elle fut rapidement taxée de capricieuse. Et pourtant...Si les solistes de ce Rinaldo avaient eu de tels "caprices", n'auraient-ils pas fait oeuvre de salubrité publique?

Dominique Vincent

 

ConcertoNet.com
16 Août 2002

Opéra beauf

Ami djeune, tu rêves de devenir musicien et de gagner beaucoup d'argent sans avoir à apprendre la musique? Alors, laisse tomber Graine de Stars et, toi aussi, fonde ton orchestre baroque.
Tu ne sais pas jouer? Pas grave, la fausse note, c'est méga-cool.
Tu ne sais pas chanter? Aucune importance, le tout est de savoir remuer le bas-rein, dans une mise en scène top-tendance.
Le gagnant de notre grand concours de l'été sera peut-être invité au prochain festival de Montpellier.

On croyait avoir touché le fond avec le meurtre en direct de Háry, mais, à Montpellier, le pire n'est jamais sûr. Prenant cette fois Händel en otage, les "géniaux" Lowery et Housseinpour nous offrent un Rinaldo dans le plus pur style Noces et banquets de sous-préfecture, voire chef-lieu de canton, revisité par Benny Hill.

Après mûre réflexion, le critique écœuré renonce à faire ne serait-ce qu'une vague description du vertigineux, de l'abyssal déchaînement de n'importe-quoi qui envahit l'Opéra-Comédie. Il suffit de savoir, pour l'édification des masses, que la scène est traversée tour à tour par une Almirena déguisée en Marilyn bécasse des abris-bus, un Rinaldo en treillis (classique), un Goffredo en politicard vicelard et grimaçant, une Armide obsédée sexuelle qui finit en poupée gonflable à bouche pipeuse, des arabes aux sourcils forcément libidineux, avec barbouze et gourmette au poignet, un monstre transformé en poussin de peluche de trois mètres de haut (!!), une Barbie et un Kent paras (!!!!)…

Tout, absolument tout, dans l'opéra est tourné en ridicule, encombré de naïades grassouillettes et de chorégraphies façon Claude François mâtiné Bioman, de gesticulations et grimaces outrées, de gags lourdauds à la simili-Chuck Jones (mais lui avait une certaine forme de génie). Pas un moment n'échappe aux rires rentrés d'un public flatté dans ses charentaises par un humour à la petite semaine, résolument situé en-dessous de la ceinture, pétri de références à la sous-culture télévisuelle la plus abêtie.

Et l'œuvre dans tout cela, et Händel?

Il paraît, après tout, que Rinaldo est un opera seria, de style noble, que certains airs y sont d'une absolue beauté, pleins d'émotion. Oui, mais "Lascia ch'io pianga" chanté (très mal) par une fausse sirène à la queue en plastique vert brillant, tandis qu'Argante roule des yeux fous en s'accrochant au rideau, est tellement couvert par le murmure des fous-rires qu'on l'entend à peine, de même que les magnifiques cadences de clavecin pour "Vo' far guerra" disparaissent sous les gesticulations hystériques d'Armida.

Piètre consolation, ce que l'on perçoit de la part de Jacobs et de ses troupes est si laid que c'en est presque une bénédiction qu'on les entende si peu. Orchestre étriqué, sec et faux, aux décalages constants, la battue saccadée, sans schéma directeur, de Jacobs fait des ravages.

Côte voix, ce n'est pas mal non plus.

Vivica Genaux, annoncée comme une révélation, montre une voix dure et mal placée, dans le nez et les joues principalement. Le grave, tubé et forcé, est laid et la vocalisation remplacée par une émission saccadée en mitraillette (c'est de saison). Quant à l'émotion…

Miah Persson a certainement raté le casting de Star Academy : voix blanche, à l'intonation défectueuse et aux tenues aléatoires. Le reste est indicible.

Seuls émergent Eustazio (dont l'interprète n'est pas cité dans le dossier de presse, charmante attention): chant soigné, voix agréable, quoique de puissance limitée, lui a les moyens de son rôle, et Inga Kalnar, la seule parmi les femmes à apporter un certain professionnalisme à son chant, mais le style fait défaut et l'on entend plutôt Puccini que Händel. Les vocalises, surtout, paraissent souvent hors de propos.

Arrivé à ce stade, le critique, qui a pourtant le sens du devoir chevillé au corps, car nous sommes comme cela, nous, à Concertonet, prêts à tous les sacrifices, se demande pourquoi il reste là, effondré sur son fauteuil, à subir cette… chose.

Reste alors la seule solution possible, s'enfuir à toutes jambes et se rincer les oreilles. Au fait, Marilyn Horne chante, elle, remarquablement bien Händel!

Aussi, je laisse la parole à mon éminent collègue Etienne Müller, qui a accepté, avec sa grandeur d'âme habituelle, de rendre compte du troisième acte, le malheureux.

Quid du dernier acte? le chroniqueur doit s'armer, non d'un attirail de "Fusco" (Fusiller commando, terme militaire) sorti d'un nanar de Jean-Claude Van Damme, style Universal Soldier, mais d'une patience à toute épreuve pour endurer pareil supplice de Tantale. Après le tristounet "ballet" de fausses fées défraîchies, plus à leur place dans un bastringue miteux et l'épisode de la sirène ( une Esther Williams, même décatie, eût été plus sensuelle), voici l'arrivée des Playmobils, "symbolisant" Eustache et Godefroy à la rescousse du héros capturé par la magicienne trahie. Pourquoi des Playmobil ? Mystère ! On les voit gravir, trotti-trottant, d'un pas conquérant la grande Muraille de Chine. Mais que diable vient-elle faire dans cette galère? On n'en sait fichtrement rien. Ah si (détail mineur) les copains tarés de Rinaldo vont consulter un mage très sage, tel Le Père Fouras, de Fort Boyard. Son office, s'il l'accepte, sera de les assister, dans leurs tribulations contre la terrifiante Armide : une Circé en plus volcanique, très portée sur la "chose". Mais tout finira bien, les missiles "Exocet" - tiens ? point de chars AMX 13, ni de batterie antimissile Patriot ? - enseveliront l'orgueil musulman sous la poussière sablonneuse. Magnanime, Rinaldo, sous le regard bienveillant de la Vierge Marie et de Joseph en pâmoison devant une baudruche infâme censée évoquer l'Enfant-Roi (anticléricalisme primaire), pardonne a tous.

Et la Musique dans ce gourbis sordide, vulgaire et racoleur? Il est impossible de l'entendre respirer; pourtant, elle regorge de moult beautés fulgurantes qui convertiraient le mélomane le plus réfractaire à cette esthétique particulière : le flamboyant opéra baroque, nanti de fioritures abracadabrantes et d'ornementations somptuaires. De la chatoyance au plan orchestral : jeux sur les timbres du clavecin, des flûtes ou des trompettes - incrustations de "poèmes symphoniques" reliant les divers tableaux. On croule sous une tempête sonore, M. Jacobs tambourine, cogne et matraque ; et souvent matraque faux. Brisons là, on en a marre de ces mises en scènes vomitives et gerbatoires - que l'on excuse ce langage ni amène, ni châtié - mais motivé par une immarcescible colère. Haro sur les corrupteurs, impies et sacrilèges. N'est pas Sellars, Carsen ou Wilson qui veut.

Laurent Marty


Le traitement que Nigel Loweiry inflige à Rinaldo en collaboration avec le chorégraphe Amir Hosseinpour déçoit d’autant plus que ces qualités sont gommées par une volonté de parodier qui, malheureusement, n’en reste pas toujours au stade de l’ironie mais arrive trop souvent à celui de la caricature. Il est bien spécifié sur le livret qu’il s’agit d’un " dramma per musica ". Lowery et Hosseinpour en font un opéra-bouffe où tout est bon pour déclencher le rire du spectateur. Après tout, pourquoi pas ? On ne leur reprochera donc pas d’être allés jusqu’au bout de leur concept décidément bien assumé. Le problème reste que les dimensions poétique, magique, émotionnelle ne trouvent pas leur place dans cette mise en scène. Le personnage d’Almirena, par exemple, élément sentimental moteur, devient alors insignifiant et reléguée au second plan, au profit de celui d’Armida. Celle-ci est d’ailleurs le personnage qui semble avoir le plus fasciné Lowery et Hosseinpour qui réussissent alors une extraordinaire dramaturgie pour le finale du deuxième acte parfaitement réussi. Les sortilèges de la magicienne furieuse de la trahison de son amant Argante (air " Vo’ far guerra ") sont remarquablement illustrés par une insensée transformation corporelle d’Armida, accompagnée par une cadence au clavecin tout aussi délirante. Le talent de comédienne d’Inga Kalna est pour beaucoup dans l’indéniable impact de cette scène complètement déjantée. Théâtre et musique sont alors bien en accord, ce qui n’est pas le cas la plupart du temps.

René Jacobs, lui, respecte la partition d’Haendel à la lettre, tout en faisant preuve d’imagination lorsque des éléments musicologiques font défaut (l’emploi des castagnettes lors de l’apparition des sirènes, l’usage de la harpe dans les continuo, par exemple). Rinaldo est chronologiquement le deuxième opéra de Haendel (1711) après Agrippina. Justement Jacobs dirige celui-ci après celle-là, à Bruxelles et Paris. La rigueur de sa direction lui permet de mener ses troupes avec précision et d’éviter toute monotonie, en particulier par le travail très précis (hypercontrôlé diront certains…) sur le texte et la dynamique des récitatifs, empêchant ainsi une fatale baisse d’attention entre les airs. Ceux-ci sont traités avec souplesse et émotion, avec une attention particulière sur le style lors des " da capo " haendeliens.

Est-ce le même Freiburger Barockorchester qu’à Montpellier ? A Innsbruck, en tout cas, cette formation se révèle de premier ordre, sans qu’aucun défaut ne trouble le déroulement de la représentation. On louera en particulier les trompettes naturelles qui ne se laissent pas démonter par la difficulté de leurs interventions (" Or la tromba " !) et par Nicolau de Figueiredo, excellent continuiste qui a l’occasion de briller dans la cadence de l’air de furie d’Armida.

Les choix artistiques de René Jacobs peuvent bien-sûr être discutés comme ceux de tout musicien créatif : il n’en demeure pas moins qu’ils sont stylistiquement cohérents et éminemment respectables. Il sera peut-être intéressant d’attendre la prochaine parution de l’enregistrement de l’œuvre réalisée par Harmonia Mundi entre les représentations de Montpellier et d’Innsbruck.

Jacobs a fait appel à de jeunes chanteurs, certains contestables, comme Vivica Genaux, annoncée comme une révélation et qui déçoit par sa projection insuffisante, ses graves détimbrés, son aigu cotonneux ; pourtant le travail sur le style avec Jacobs a porté ses fruits : elle sait triller merveilleusement, nous offre une belle démonstration de " messa di voce " dans l’air " Cara Sposa " et vocalise avec netteté. Inga Kalna est une si fabuleuse personnalité et interprète qu’on lui pardonne bien volontiers une vocalisation hors propos au premier acte et un suraigu acide et serré (ce qui ne l’empêche pas de rajouter pour cette dernière représentation lors d’une cadence un contre-ré surprenant !). Miah Persson a plus de mal à s’imposer tant le personnage d’Almirena verse dans la fadeur dans cette production ; elle réussit néanmoins une belle interprétation vocale (timbre d’une belle couleur fruitée), arrivant même à émouvoir pendant son " Lascia ch’io pianga " malgré l’inadéquation de la mise en scène. James Rutherford, après un début difficile (lourdeur des vocalises lors de son entrée) incarne Argante avec une indéniable autorité vocale.

Mais ce sont les contre-ténors qui donnent le plus de satisfactions (en mettant de côté la courte apparition d’un Dominique Visse bien fatigué) : Lawrence Zazzo, déjà apprécié dans Agrippina est devenu un spécialiste très sur de ce répertoire et surtout, bien que dans un rôle somme toute secondaire, la révélation de la soirée est apportée par Christophe Dumaux, faisant ses débuts professionnels scéniques, jeune interprète français sur qui il faudra compter.

Etienne Müller

 

ResMusica.com
12.08.2002

Rinaldo Maccione fait son cinéma aux Croisades

Rédacteur: Jacques Duffourg

Les mauvaises idées (surtout les plus basses) font davantage d’émules que les bonnes. Elle se propagent même à la vitesse de la lumière! Il suffit que, pour Salzbourg 2001, Monsieur Mortier ait requis la collaboration scabreuse d’un metteur en scène bêtement provocateur dans La Chauve-Souris, par exemple. On y admirait - en vrac - masturbation, fellation, sodomie, etc… Bon sang, mais c’est bien sûr ! Que voilà une voie nouvelle s’offrant à l’art lyrique ! Ainsi qu’une chaîne de télévision privée, faisons donc de l’audimat (et du visumat) avec le sexe et ce qui tourne autour... On sait combien la chair est triste, pourtant, dès lors qu’on se prend à la représenter - ne serait-ce que par des " gags " allusifs, au ras des déflorations. En l’occurrence, que penser d’une face de poupée gonflable géante, bouche grande ouverte, entre deux gigantesques mains de plastique écartant les rideaux avec une finesse de strip-teaseuse? C’est bien la "vision" que nous assènent MM. Lowery et Hosseinpour (oui, ils se sont mis à deux) au terme de l’acte II d’un Rinaldo haendélien massacré. Logique: Armida étant imposée comme une magicienne érotomane, sa représentation en appelle aux gadgets de sex-shop. Étant également dominatrice, elle se plaît à soumettre Argante à ses fantasmes. Ce dernier est consentant, et accepte d’être traîné en laisse tel un bon toutou, et de croquer ses " Friskies " à même le sol. Véridique. Des filles de joie et travestis en jambière sortent et ressortent de deux moitiés de Mercedes encastrées dans une photo-cocotiers pour agence de voyages : on rit sans retenue. Almirena se retrouve captive d’Argante : elle est donc un top-model sirénien, dotée d’une queue à écailles vertes que son ravisseur promène sur son torse et son bas-ventre. Heureusement, la chaste femme-poisson s’échappe - et ainsi la morale reste sauve.

Toutes les métaphores de la production évoluent-elles dans ce registre, demanderez-vous ? Que nenni : il n’y a pas que cela dans la vie ! Almirena est enlevée par des gros poussins jaunes à la solde d’Armida ; Argante apparaît ("Sibillar gli angui d’Aletto") en Palestinien à keffieh et lunettes de soleil (normal, il représente le mauvais camp, celui des Sarrasins). La télévision intervient pour filmer et retransmettre sur écran - magie du direct - les péroraisons de schtroumpf à lunettes de Goffredo. Le malheureux Eustazio doit chanter avec un havresac sur le dos ; souhaitons que, comme à l’armée, on ne le lui ait pas empli de pierres ! Le décor de fond représente sur d’exquises couleurs (rouge pompier ou vert diarrhée) des warriors des deux sexes, armés de pistolets et mitraillettes, et traités en poupées géantes (non gonflables) - Barbie pour World Company. Des scènes de Guignol (?!) ou des diaporamas débiles sponsorisés par Toy’R’Us, un tapis roulant, une église en carton avec clocher-minaret reconvertie en étable de la Nativité après la déroute arabe ; des petites voitures téléguidées, des chasubles pour évêque avec mitre (Goffredo), pour sacristain (Eustazio) et pour oblat (Rinaldo)... Et encore, des danses grotesques de majorettes ou d’enfants de chœur sous ecstasy. On vous passe : les costumes volontairement laids (du second degré, sans doute) - dont la robe jaune à fleurs vertes très " sixties " d’Almirena -, le treillis de Rinaldo ; le terroriste pour attentat-suicide laissant derrière lui deux moignons de pieds sanguinolents et le Mage Chrétien directement téléporté du minable Tamerlano de M. Miller au Théâtre des Champs-Élysées (en tenue de Mongol). Ne refaisons pas l’air du catalogue: tout est à l’avenant. Le pire est que pour faire "mode", la régie semble nous dire: l’opéra, c’est du toc ; des vieilleries encombrées - tenez-vous bien - par de la musique. Rions-en donc, renvoyons ces vocalises et ces instruments obligés dans l’ennui qu’ils génèrent, en les gommant systématiquement par de l’ " esprit " Panzerdivision : il en restera bien quelque chose. En effet : il demeure une sorte d’esthétique du kitsch, de la " beaufitude " même, contemplant son propre néant dans une salle transformée en " Dimanche Martin ".

On est sévère : il y avait parfois des choses émouvantes, chez Jacques Martin. Lowery et Hosseinpour appartiennent à la catégorie des pourceaux selon qui le public mélomane est une entrave à la floraison de leur inestimable génie. La dramaturgie du décalage, du persiflage et de l’anachronisme n’est donnée qu’aux plus grands (Sellars, Carsen...). Des sous-sous-produits de bourgade peuvent toujours s’employer à essayer d’imiter : ils ne mettent que davantage en valeur leur propre vide, et les dons de ceux qu’ils croient copier. A noter qu’il s’agit d’une coproduction entre Montpellier, Innsbruck et Berlin - vive l’ouverture européenne vue sous cet angle ! Libre circulation du nivellement par le bas, il faut que tout le monde en profite. Bon. On a dit, donc, que cette forme décatie d’art qu’est l’opéra contient de la musique, très envahissante. Mais enfin, sursum corda : il faut quand même la jouer et la chanter, on est professionnel ou on ne l’est pas. Mandé (on suppose) à grands frais, René Jacobs plonge ce qui survit de l’auditoire amoureux de Haendel dans la consternation. Pourtant, il y avait des gages : une grande réussite pour le Caro Sassone, Giulio Cesare (Harmonia Mundi, 1991) ; et quelques perles "cavalliennes" (Giasone, Serse, Calisto) sous le même label. Depuis, de l’eau a coulé sous le pont belge. On l’a remarqué par l’intrusion de ce chanteur reconverti chez Mozart: battue de bûcheron, sensibilité de bloc opératoire, ordonnancement militaire tiennent lieu de prosopopée. Par un curieux retour de balancier, c’est cette sacralisation du brutal et du sec, qui est revenue contaminer le baroque " jacobsien " - porté au pinacle par René Kœring -, alors qu’on rêvait - pour son plus grand bonheur - de la prime tendresse du Jules César précité.

Dans l’ouverture, le chef réussit à faire plus décharné que le Nikolaus Harnoncourt des années 1960, c’est un exploit. Se mordant sans cesse les joues, il mouline un orchestre véritablement affreux : matitude et atonie en sont les deux mamelles. Crudité des bois, raideur des cordes, percussions inutilement violentes débouchent sur des trompettes " naturelles " d’une fausseté effrayante (les couacs de " Or la tromba "). Néanmoins, Jacobs essaie - reconnaissons-lui au moins ce mérite - de solidariser une troupe vocale en perdition. Un seul artiste tient son rang dans l’escouade : le très jeune (vingt-trois ans) Christophe Dumaux, contre-ténor (Eustazio) au timbre et à la souplesse exceptionnels. De petite volumétrie, ce qui est loin d’être une tare quand on songe à Genaux, il chante avec tact, raffinement, humour (le vrai). Un sans-faute tout en élégance, où se reconnaît le fin musicien ayant pratiqué le violoncelle - pour un personnage, hélas, assez secondaire. Son tuteur en voix de tête, Lawrence Zazzo, n’est pas mauvais : déjà remarqué dans la Medea de Rolf Liebermann à Bastille cette année, il déclame avec netteté et probité - mais aussi avec raideur, et une conviction de nonne : c’est un Godefroy qui boit le bouillon. Percutant, se sortant même des pièges redoutables de sa partie, James Rutherford (Argante) pourrait " y faire croire " ; malheureusement, le style est aussi cochonné que la mise en scène, l’italien étant transformé au cas particulier en bouillie scandinavo-teutonne. Face à lui, l’Armida d’Inga Kalna est proprement terrifiante : que l’on sache, seule Chistine Weidinger à La Fenice de Venise en 1989 (avec Horne…) a réussi à faire plus strident et plus débraillé dans ce rôle ; les suraigus font frémir de peur dans l’air d’entrée. Non seulement Kalna chante " Vo’ far guerra " (fin du II) avec une certitude de collégienne ; mais elle y est entravée par la noyade de l’ébouriffante partie du clavecin - préfigurant le Cinquième Concerto Brandebourgeois - par le chef, qui la transforme en tapotage sur épinette. Il est vrai que c’est la fameuse scène de la poupée gonflable : l’attention ne doit donc pas être dévoyée par de la musique adventice.

Protagoniste complètement cruche, Almirena dispose ce nonobstant d’une partie vocale extraordinaire. Mais son nom est Persson, avec une onction, là encore, raide comme la justice ; et une incapacité à faire vivre le plus techniquement simple (donc le plus musicalement ardu), savoir le célèbre "Lascia ch’io pianga" - avec sa queue à écailles vertes. Voix aigrelette, et parfois bien fâchée avec la justesse. Ou Dominique Visse (Mago Cristiano) a perdu sa présence irrésistible, ou la mise en scène l’a inhibé pour le compte : cet expert des rôles de composition, Nireno de Giulio Cesare par exemple, ne nous fait même plus rire en chirurgien extrême-oriental (quelle idée !). On a laissé le principal pour la fin; occupons-nous un tantinet de Vivica Genaux. Depuis le terme de Montpellier 2001, sa venue est annoncée telle celle du Messie dans la mégalopole de Georges Frêche. Elle est, en effet, précédée d’une réputation flatteuse ("la nouvelle Horne", sic), et la plaquette trousse à sa jeunesse une hagiographie sur quatre colonnes, déjà. On y lit qu’elle chante les travestis "lourds" rossiniens, haendéliens, vivaldiens, belliniens (ce qui se devine aisément, la voix est puissante). Également, qu’elle triomphe sur toutes les scènes des États-Unis, sa nation. Très bien. Qu’on juge sur pièces cette perle rare. L’air initial " Ogn’indugio d’un amante " ne provoque rien de particulier, il n’est du reste qu’une mise en bouche, mais très correctement chantée. C’est lors du duo avec Almirena, puis après le rapt de celle-ci par les gros poussins jaunes, que les choses se compliquent. On constate de prime abord que la cantatrice ne ressent strictement rien de ce que sa partie peut avoir de pathétique. Blocage scénique, là encore ? Allons donc : la notice nous dit à quelle point elle est expérimentée, cela ne tient pas. Le " Cara sposa " est un monument d’ennui, tout simplement parce qu’il pourrait être la version mise en musique d’un flash de LCI. Ne parlons pas du " Cor ingrato " qui s’emboîte, véritablement botté en touche émotionnelle. C’est déjà très fâcheux, mais pas rédhibitoire : qu’en est-il de la technique?

Elle est inexistante, et cela se perçoit dès les longs accords suppliants, tenus sur plusieurs rondes liées, dudit "Cara sposa" : aucun souffle. Le "Venti, turbini" qui clôt le I (ici, avec un Te Deum de Tosca version faussement Marx Brothers) met le doigt sur le plus sérieux : Vivica Genaux ne sait pas vocaliser, orner, diminuer ; " fioriturer ", quoi ! Et elle s’emploie dans le bel canto (baroque comme romantique) ?... En fait de vocalité, on a droit à une découpe labialisée au hachoir, un peu comme si la dame expirait des apéricubes ; et vu qu’elle court sans cesse après la respiration, redoutez, bonnes gens, les trilles en oscilloscope. Droite dans ses bottes comme certain Premier Ministre, elle est une actrice inexistante, et parachève son brassage d’air par l’accouchement de graves tubés d’une franche laideur. Ne continuons pas plus avant. Depuis sa renaissance, qui ne remonte pas aux " baroqueux " comme on essaie de nous le faire croire - mais à Leipzig en 1929, avec Alcina - Haendel en a vu d’autres. Nous aussi, du reste. Simplement, devant pareille déroute musicale et théâtrale, au final d’un Montpellier 2002 très petit millésime (¹) et après tant d’âneries scéniques et autres pas de l’oie musicaux rebattus depuis des décennies dans le répertoire dix-huitiémiste - lassitude et résignation débouchent sur un cri des plus spontanés à l’égard de tous ces bateleurs : " ça suffit ! ".

(¹) Ayons l’honnêteté d’admettre que Les Fées du Rhin (Offenbach, le 30 juillet au Corum) furent un moment de grâce; d’autant plus mis en valeur que, à des degrés divers, les autres productions opératiques - Hary János, La Donna del Lago, Rinaldo – ne furent pas vraiment des réussites totales.

Montpellier, Opéra-Comédie, les 27, 29* et 31 Juillet 2002.
Georg-Friedrich Haendel
Rinaldo (Renaud)
Opera seria en trois actes créé à Londres (Haymarket) en 1711
sur un livret de Giacomo Rossi, d’après la pièce d’Aaron Hill.

Vivica Genaux : Rinaldo (Renaud)
Miah Persson : Almirena (Almirène), une Sirène
Inga Kalna : Armida (Armide), une Sirène
James Rutherford : Argante (Argant)
Lawrence Zazzo : Goffredo (Godefroy)
Christophe Dumaux : Eustazio (Eustache)
Dominique Visse : Mago Cristiano (Mage Chrétien).

Chef de chant, clavecin solo : Nicolau de Figueiredo.
Continuo (luth, harpe, violoncelle) : Shizuko Noiri, Mara Galassi, Guida Larisch.
Régie : Clive Thomas et Xavier Bouchon. Freiburger Barockorchester,
direction : René Jacobs.
Mise en scène de Nigel Lowery et Amir Hosseinpour.

Coproduction de l’Opéra National de Montpellier, des Innsbrucker Festwochen für alte Musik et du Staatsoper Unter den Linden Berlin; présentée dans le cadre du Festival de Radio-France et de Montpellier (directeur: René Kœring).

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OPERA INTERNATIONAL
Septembre 2002

"Spectacle décapant s'il en est. Nigel Lowery et Amir Housseinpour n'y sont pas allés de main morte. Avec cette église transformée en mosquée, ces grosses bagnoles venues d'Aleerte à Malibu, ces pom-pom girls hystériques...on nage dans un baroque très actuel...L'approche musicale de René Jacobs n'est pas si éloignée de ces images pas du tout pieuses...Dans son ensemble, l'équipe de solistes se prête idéalement à ce double parti pris musical et scénique. Tous rompus à la discipline du chant baroque, ils savent aussi être de prodigieux comédiens...On remarque tout particulièrement les interventions d'Inga Kalnar, Armida à la séduction ravageuse...Miah Persson remporte auprès du public un succès mérité. Reste le cas de Vivica Genaux, cantatrice à bien des égards irréprochable, comédienne précise, vocaliste habile, mais à qui fait défaut une véritable aura. La voix manque souvent de rondeur et d'ampleur."

 

Diapason
Septembre 2002

Titi et Rosseminette

"Le metteur en images Nigel Lowery et son metteur en gestes Amir Housseinpour n'ont retenu de Rinaldo que la fantaisie...Dès la troisième mesure de l'Ouverture, voici René Jacobs qui s'envole. Notes ajoutées, lignes réinstrumentées, tempos burlesques, cadences fantasques, coups de frein, coups d'archet, coup de gong ou de castagnettes, gammes de harpe...Lawrence Zazzo en pleine forme...Vivica Genaux, mezzo en petite voix ; chant et personnage sommaire en dépit d'un physique idéal et d'une authentique bravoure...Inga Kalna, star de la soirée...Miah Persson, comme toujours impeccable"

 

Le Monde de la Musique
Septémbre 2002

Déception à Montpellier

"Le spectacle s'inscrit dans une ligne désormais convenue qui cinconscrit la scène haendélienne : le comique à tout va. L'avalanche de gags tient lieu de pensée dramatique...Maquettes, marionnettes, clips vidéo (des soldats Playmobil mis en déroute par un monstre en plastique), paysages de carte postale, canari géant en peluche et autres photos de Barbie et Action Man en armes tendent les ressorts de la mise en scène...Lowery et Hosseinpour pensent à l'action et au bruit des armes mais négligent les palipitations et les langueurs du coeur. Dans la fosse, René Jacobs privilégie aussi l'efficacité plutôt que le lyrisme...La jeune mezzo américaine Vivica Genaux possède la technique et l'aisance propres à dominer le rôle-titre, mais peine à le faire s'émouvoir."

 

Le Monde

Jacobs triomphe sur les armées ricaines
Bravos unanimes pour les interprètes. Une grande version à savourer les yeux fermés

La réalisation de Nigel Lowery et et Amir Housseinpour a frisé le scandale. La transposition des croisades dans le contexte d'un affrontement entre les USA et les pays arabes ne va pas sans "dommages collatéraux". Les huées s'adressent à l'esthétoique criarde, à Barbie and Ken, au terroriste arabe qui s'explose, à l'Argante du pays de l'or noir qui mange du friskies, à ces images qui se déversent en diarrhée...La surabondance visuelle, quand on ne s'indiqgne pas de la récupération racoleuse de l'actualité, nuit à l'oeuvre...La vraie mise en scène est dans l'orchestre. René Jacobs est partout et les musiciens du Freiburger Barockorchester ont une "pêche" terrible...Le triomphe de cete production tient à l'excellente distribution...Vivica Genaux est divine de présence et d'une virtuosité vocale qu'on a du mal à imaginer...Inga Kalna est une Armida hystérique et incandescente...La douceur, la rondeur du son de Miah Persson lui conquièrent tous les coeurs...

 

Libération

Croisés Rambo et Sarrasins kamikazes pour un Rinaldo tout en gags
Reste l'excellente croisade haendelienne menée par René Jacobs à la tête du Freiburger Barocckorchester et la belle performance des chanteurs

Personnages en archétypes militaires et religieux, couleurs post-soixante-huitardes, diapos, vidéos, marionnettes, caméras et télévision : la mise en scène fait feu d tout : vieille quincaillerie et technologie de pointe...Haro sur une chorégraphie épileptique, prétendument mimétique de la dynamique vocale...Dans le camp des chevaliers chrétiens, le Goffredo de Lawrence Zazzo affiche une belle vocalité qui ira crescendo jusqu'à la fin, Christophe Dumaux est un Eustazio à la voix joliment timbrée et agile...Dominique Visse joue à merveille le vieux mage chrétien à la voix pointue...Miah Persson, en Almirena, et Inga Kalna, en Armide, toutes deux excellentes scéniquement, le sont aussi vocalement...James Rutherford campe un Argante plein d'arrogance vocale...La vraie déception vient du Rinaldo de Vivica Genaux, dramaturgiquement et vocalement. Le timbre manque de rrondeur, de couleur, ls extrêmes de la tessiture sont de faible projection...quant à la virtuosité, elle se cantonne dans le registre de l'aseptisation clinique...

 

Le Temps
30 juillet 2002

Rinaldo, héros de Haendel piégé par Rambo
Superbes, les interprètes font presque oublier les faiblesses du spectacle

La mise en scène voulait frapper, à coups de références pop, de remâchages d'art contemporain, d'animaus et de gadgets. Rien ne manquait au menu réchauffé de la pseudo-provocation, ni les incontournables caméras vidéo, ni les voitures...Les interprètes sont l'heureuse antithèse de leur décor...Une musique de rêve dans un monde consumériste, toujours entre le sarcasme et l'esbroufe.