LE SOIR
25 fevrier 2006

Opéra / "Le comte Ory" au Théâtre Royal de Liège
Rossini, du potache au frivole

Curieux spectade que ce Comte Ory, présenté à l’ORW vendredi dernier. Alberto Zedda nous avait expliqué (lire le MAD du 22 février) combien l'opérà de Rossini devait être une réconciliation entre ün livret, " grosse farce et une musiqued’un'élégance très XVIII siècle.

Le premier actë nous faisait plutôt pencher vérs la revue de potaches, ni très drôle, ni très enlevée dans une mise en scène assèz sommaire de Jérôme Savary. Choeur et protagonistes bougeaiént peu ou mal. L’orchestre de Zedda, sonnait fart dès l'ouverture, soumettant les chanteurs à une pression qui rendait leurs aigus bien criards et les ensembles fort approximatifs. Un vent de déception soufflait.

Le rideau s’ouvre au 2e acte sur une scène de bains marrante. Comme si ces braves dames du château prenaient, – à la manière d’Abraracourcix –, leur bain annuel en l’honneur du retour de leurs hommes de croisade. Survient la troupe d’Ory. Déguisés en noonettes, ils se livrent à une gaillarde mais désopilante beuverie. La scène du trio réunit dans un grand lit incliné la comtesse, Ory et le page. Isolier: les gestes coquins sont au diapason d’une partition frivole. Et l'action décolle dans la truculence débonnaire d’une direction d’acteurs qui joue la carte du franc comique, dans la finesse des voix solistes qui préfèrent la dentelle belcantiste au coup de gueule.

On découvre alors le raffinement des aigus d’Elisabeth Vidal (la comtesse Adèle) et de Marc Laho (Ory). Leur chant cultivé et élégant caresse la mélodie èt flatte les demi-teintes. On n’en admire pas moins la truculence du Raimbaud de Marc Barrard, la splendeur. grave mais amusée des interventions du gouverneur de Nicolas Cavallier, les atermoiements juvéniles du page Isolier de Mary Anne Stewart. Un vrai bonheur.

Gageons que l’équilibre se rétablira au fil des représentations. Tout s’arrange d’ailleurs fort bien: les dames ont juste le temps de faire déguerpir leurs, méchants paillards pour accueillir les maris héros, de retour en croisade... complètement éclopés. Mais elles se consoleront: et Adèle semble déjà avoir choisi: Isolier. "Così fan tutte…"

SERGE MARTIN

 

La Libre Belgique
27/02/2006

CRITIQUE
C'est divin, c'est charmant

On y parle bien de croisades- et comment, sinon, le Comte Ory aurait-il à sa disposition tant de femmes jeunes, enflammées et disponibles- mais le décor s'apparente plutôt à des tableaux du quattrocento italien, collines champêtres, château et grotte, pour le premier acte (avec apparition de quelques spectateurs de Glyndebourne en quête d'un endroit pour pique-niquer); intérieur du château pour le second, avec fenêtre à colonnettes donnant sur les dites collines par où surgiront les libertins déguisés en nonnes; et "lointain bleuté" digne de Léonard de Vinci, d'ailleurs cité dans sa dernière scène. Lumières complices d'Alain Poisson, costumes oscillant entre la fête du Club Med, et, forcément, Dialogues des Carmélites (plus (ou moins ?) la simple nudité), jeu d'acteur sobre (si l'on peut dire) et efficace. Voilà pour le regard.

Sous la baguette d'Alberto Zedda, le soir de la première, la musique de Rossini ne pétilla pas du premier coup. Après une ouverture hésitante, le premier acte peina à se dégager d'un climat bruyant et agité, le fameux septuor avec choeur a cappella frôla même l'abîme, mais sur le plateau comme dans la salle, on gardait le moral: la qualité de la distribution ne faisait pas de doute, et la joie du public encourageait les troupes. Le second acte- meilleur (encore) dans son écriture- fut un feu d'artifice vocal et théâtral, et après que le retour délirant des croisés à demi-morts eut marqué le retour à l'ordre et la fin des plaisirs, ce fut l'ovation. Magnifique Marc Laho dans le rôle titre- parmi les plus difficiles et les plus aigus du répertoire-, entouré d'Elizabeth Vidal (Adèle), Mary Anne Stewart (Isolier), Christine Solhosse (Ragonde), Marc Barrard (Raimbaud), et Nicolas Cavallier (le gouverneur) et des choeurs, responsables de quelques morceaux d'anthologie dont la phénoménale chanson à boire! (MDM)