La Libre Belgique
30 janvier 2006

Opéra – CRÉATION
Superbe production du dernier opéra de Zemlinsky
Fascinant malaise du "Roi Candaule"
Un livret puissant, servi par une partition sulfureuse.
Le baryton belge Werner Van Mechelen souverain.

Nicolas Blanmont

La création belge de "Der König Kandaules" est un événement important dans la vie culturelle belge, et le fait qu'elle ait lieu à Liège confirme bien que l'Opéra de Wallonie a quitté son statut de scène provinciale pour rejoindre le camp des maisons émergentes au niveau international. Présenté avec une telle force, l'ultime opéra de Zemlinsky apparaît en effet comme une oeuvre majeure : par les exceptionnelles qualités de sens et d'efficacité dramatique de son livret - tiré du "Roi Candaule" de Gide -, mais aussi par la dimension kaléidoscopique d'une partition brassant divers courants musicaux du XXe siècle, de Strauss au sprechgesang en passant par le post-romantisme sulfureux et par certaines réminiscences wagnériennes (musicales mais aussi de texte, puisqu'il est question d'un anneau qui procure l'invisibilité).

Candaulisme

La mise en scène exemplaire de Jean-Claude Berutti pose bien les différents enjeux de la pièce : le conflit de la richesse et de la misère, l'ambiguïté d'un partage vécu moins comme un don que comme un exercice narcissique, incarné ici dans le candaulisme, étant le regard avide porté sur la relation sexuelle du partenaire avec un tiers. La cour du riche Roi de Lydie est ici une soirée mondaine contemporaine, dans une ambiance élégante et délétère (superbes décors rouge et noir de Rudy Sabounghi et éclairages raffinés de Laurent Castaingt), avec Candaule et ses courtisans en habits de soirée et Nyssia en robe noire ou pyjama de soie rouge et mantille sur le visage. Chaque personnage, seconds rôles compris, est finement caractérisé et il n'est pas un geste qui soit vide de sens. Ainsi par exemple, la façon dont le Roi photographie le meurtre par Gygès de son épouse infidèle suscite dans la salle un fascinant malaise, le ressort de la capture d'image revenant ensuite comme un fil rouge jusqu'à la mort de Candaule sous les coups du pêcheur qui a pris sa place dans son lit.

Effet Ring

Dans la fosse, Bernhard Kontarsky sait faire rougeoyer chaque braise de la partition et sourdre l'érotisme qui sous-tend les notes. Certes, l'orchestre - en grande forme, il y a bien eu un effet Ring - couvre parfois un peu certains chanteurs, notamment le Kandaules de Gary Bachlund, projection limitée mais musicalité et expressivité constantes. Le casting (scénique et vocal) des courtisans est des plus soignés, tout comme les performances de Barbara Haveman (Nyssia) et surtout Werner Van Mechelen, prodigieux Gygès donnant à chaque instant le sentiment d'une parfaite maîtrise. Récent Alberich de la Tétralogie, le baryton belge devait d'ailleurs recevoir à l'issue de la première le Grétry de cristal des amis de l'ORW.

 

Le journal de Spectacles
Le jeudi 9 février 2006

Opéra / Classique
Opéra Royal de Liège (Belgique): Der Konig Kandaules
Heurts et malheurs d’une générosité mal contrôlée

Par Caroline Alexander

On n’en finit pas de redécouvrir Alexandre Zemlinsky, compositeur majeur de la première moitié du vingtième siècle dont l’œuvre fut assassinée deux fois : par les sbires de Hitler qui le reléguèrent parmi les musiciens dits " dégénérés " puis, après la guerre (et après sa mort) par les disciples de l’atonalité pure et dure réunie en conclave à Darmstadt. Car ce Viennois, qui dispensa des cours de composition musicale à son cadet Arnold Schönberg, ne se convertit jamais au dodécaphonisme engendré par son élève. De sa musique, ample et souvent désespérée, on pourrait dire qu’elle figure la mémoire de son temps, brassant large les influences wagnériennes et du sprechgesang, du post-romantisme, Richards Strauss, Brahms, Mahler et quelques autres. Sans oublier le jazz.

Volonté de puissance

Il y a quelques années, on a pu assister à Paris à la résurrection de son opéra Der Zwerg/Le Nain grâce à l’entêtement du chef James Conlon qui avait entrepris une véritable croisade de réhabilitation du compositeur. L’Opéra Royal de Liège, en coproduction avec l’Opéra de Nancy vient à son tour d’exhumer son ultime opus lyrique, Der König Kandaules dont il commença la composition tout juste avant son exil aux Etats Unis et dont il laissa l’orchestration inachevée à sa mort en 1942, totalement seul dans la banlieue de New York. Il avait essayé de présenter l’ouvrage au Met mais celui-ci, effarouché par la présence dans le livret d’une femme nue refusa de le monter. L’histoire de ce monarque dont la volonté de puissance va jusqu’à une générosité sans contrôle est tirée d’une pièce d’André Gide, Le Roi Candaule. Ce richissime souverain de Lydie veut que la cour de ses amis et favoris profite de son immense fortune jusque dans ses recoins intimes en leur dévoilant pour la première fois le visage de Nyssia, sa resplendissante nouvelle épouse.

Un anneau magique qui rend invisible

Au cours du festin, un anneau étrange est découvert dans le ventre d’un poisson. Candaule fait venir son pêcheur, un certain Gyges, qui, hasard ou prédestination, fut un copain d’enfance, aujourd’hui pauvre hère mais homme d’honneur dont l’épouse travaille comme cuisinière au château. Gyges découvre que celle-ci a eu une relation sexuelle avec l’un des invités. Blessé dans sa fierté, il abat l’infidèle. Impressionné, Candaule le prend sous son aile et entreprend de tout partager avec lui y compris de découvrir nue la femme de sa vie. Grâce à l’anneau magique qui rend invisible celui qui le porte. Dès lors Candaule ne peut plus arrêter la machine infernale qu’il a lui-même enclenchée. Nyssia passe sa plus belle nuit d’amour dans les bras d’un inconnu qu’elle a pris pour son mari et, lorsqu’elle apprend la supercherie dont elle a été victime, elle exige la mort de celui qui en fut l’auteur. A sa demande, Gyges tue Candaule l’usurpateur qui croyait pouvoir régner sur tout. Et est couronné roi de Lydie, époux cette fois légitime de Nyssia...

Dans un décor de palace des années vingt

Jean-Claude Berutti, l’actuel directeur de la Comédie de Saint-Etienne, déplace l’action de l’antiquité grecque à nos jours dans un décor de palace des années vingt, velours grenat et mobilier design signé Rudy Sabounghi. Le festin tourne à la soirée mondaine en smoking et nœud pap, champagne à gogo... Les scènes intimes se déroulent derrière un voilage qui laisse entrevoir la chambre matrimoniale et ses installations pour photographe. Car Candaule ici a pour marotte de fixer sur pellicule les poses et les beautés de sa chère épouse, ce qui, après tout, entre bien dans le caractère d’un dominateur maniaco-possessif. On regrettera, petit détail, le pyjama cerise fermé jusqu’au col de Barbara Haveman en lieu et place d’une nudité revendiquée. Sans aller jusque-là, un déshabillé suggestif aurait fait l’affaire.

Des voix en parfaite adéquation avec les personnages

Fine direction d’acteurs au service de voix en parfaite adéquation avec les timbres et les caractères des personnages, élégance un peu veule pour le Candaule de Gary Bachlund, pudeur et sécheresse pour la Nyssia de Barbara Haveman et surtout grandeur et générosité de cœur pour le Gygès de Werner Van Mechelen, baryton-basse belge aux moyens étourdissants : une vraie révélation. L’instrumentation complétée par Antony Beaumont s’inscrit dans le droit fil de la partition où Zemlinsky traduit une fois de plus ses violences intérieures, ses déchirements et son identification aux tragédies qu’il met en musique. Autant de nuances, de bruits et de fureurs que le chef Bernhard Kontarsky transmet à l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie. Ce beau morceau d’anthologie sera à l’affiche en mars à l’Opéra de Nancy avec, cette fois l’Orchestre Symphonique et Lyrique maison. Une occasion à ne pas manquer.

Der König Kandaules, d’Alexandre Zemlinsky, instrumentation complétée par Antony Beaumont, orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège, puis orchestre symphonique et lyrique de Nancy, direction Bernhard Kontarsky, mise en scène Jean-Claude Berutti, décors Rudy Sabounghi, costumes Colette Huchard, lumière Laurent Castaingt, avec Gary Bachlund, Barabara Haveman, Werner van Mechelen et Peter Edelman, James McLean, Patrick Delcour, Randall Jacobsch, Jean Teitgen, Mireille Bailly... Opéra Royal de Wallonie à Liège, les 27,29,31 janvier, 2 & 4 février - en coproduction avec l’Opéra de Nancy et de Lorraine, les 3,7,9,11 mars à 20h, le 5 mars à 15h - 03 83 85 33 11.

 

Online Musik Magazin
29. Januar 2006

Vom Unbehagen in der Kultur

Von Stefan Schmöe

König Kandaules ist unsagbar reich. Die Armut im Land (von der er nichts weiß) könnte er quasi aus der Portokasse beseitigen. Der Fischer Gyges ist unsagbar arm, selbst Hütte und Netz hat er verloren. Kandaules hat eine unglaublich schöne Frau, Nyssia, die im Verborgenen lebt, aber Kandaules will ihre Schönheit der Welt zeigen. Gyges hat eine Frau, Trydo, die er vor den Augen des Hofstaats tötet, als er begreift, dass sie eine Affäre mit einem Höfling hatte und er sie also nicht mehr allein besitzt. Kandaules und Gyges verkörpern Gegenpole, die sich anziehen und umkreisen und gegenseitig vernichten müssen. Alexander von Zemlinskys spätes (1935 begonnenes) und nicht mehr vollständig instrumentiertes Operndrama Der König Kandaules - erst 1996 wurde die vervollständigte Fassung uraufgeführt - basiert auf dem gleichnamigen Drama von André Gide von 1899, dessen deutsche Übersetzung durch Franz Blei Zemlinsky mit wenigen Veränderungen zum Libretto straffte. An einer naturalistischen Erzählweise war schon Gide nichts gelegen; vielmehr zeigt das Libretto Querverbindungen zum symbolistischen (Musik-)Drama wie Debussys Pelleas et Melisande. Kandaules, Gyges und Nyssia sind kaum fassliche Gestalten, allesamt von einer rätselhaften Aura umgeben.


Herrenparty bei König Kandaules

Ein Ring, der unsichtbar macht, und der Schleier, der Nyssias Angesicht verhüllt, bilden die zentralen Symbole: Sehen und Nichtsehen ist das Thema des Stückes. Im verhüllenden Schutz des Ringes soll Gyges auf Kandaules Wunsch unsichtbar die unglaubliche Schönheit der Nyssia erblicken, und er kann der Versuchung nicht widerstehen und verbringt (unerkannt, weil sie ihn für Kandaules hält) eine Liebesnacht mit der ahnungslosen Nyssia. Diese befiehlt ihm, als sie die Angelegenheit durchschaut, den König – der sie in ihren Augen verraten hat – zu töten. Gides Drama ist als Parabel auf den scheiternden Künstler des Fin de Siècle gedeutet worden – der Kraftmensch Gyges triumphiert ganz im Sinne Nietzsches über den wankelmütigen Kandaules. In der Neuinszenierung der Oper an der Opéra Royal de Wallonie im belgischen Liège wird eher die Nähe zu Zemlinskys Zeit- und Schicksalsgenossen Siegmund Freud deutlich (beide mussten vor dem Naziterror aus Deutschland emigrieren). Zemlinskys Musik gewinnt die Bedeutung eines tiefenpsychologischen Kommentars, der subkutan der Handlung unterlegt ist und diese jederzeit bestimmt. Parallelen etwa zwischen Freuds Aufsatz vom „Unbehagen in der Kultur" von 1930 und den zwischen Eros und Tod zerriebenen Hauptfiguren der Oper liegen nicht nur der zeitlichen Nähe wegen nahe.


Gegenwelten: Gyges (sitzend: Werner van Mechelen) und Kandaules (Gary Bachlund)

Dirigent Bernhard Kontarsky ist wenig an den spätromantischen Zügen Zemlinskys gelegen; vielmehr hebt er die Neuerungen hervor. Bei allen (vereinzelt) aufblitzenden Anklängen an die Strauss'schen Psycho-Schocker Salome und Elektra macht Kontarsky in der außerordentlich transparenten, trotz riesiger Orchesterbesetzung (bei der angesichts der Bläserübermacht die Streicher dennoch unterrepräsentiert erscheinen) kammermusikalisch klaren Interpretation nicht nur eine Verwandschaft mit Debussy, sondern auch mit der Zemlinsky nachfolgenden Generation Alban Bergs und Anton Weberns deutlich. Gerade das aufgebrochene, in seine elementaren Bestandteile zerlegte Klangbild Weberns prägt die musikalische Gestaltung und zeigt einen (trotz des - bei allem harmonischen Wagemut - letztendlichen Insistierens auf der klassische Funktionsharmonik) „modernen" Zemlinsky. Das Orchester der Opéra Royal setzt dies engagiert und diszipliniert um, dürfte aber etwas mehr Glanz (vor allem in den oft unsauberen Streichern) besitzen.


Sehen und nicht sehen: Nyssia (Barbara Haveman), Kandaules (mitte: Gary Bachlund) und - für die anderen unsichtbar - Gyges (Werner van Mechelen)

Angesichts der tragenden Rolle des Orchesters ist die dekorative, dabei ästhetisch sehr überzeugende Inszenierung von Jean-Claude Berutti wohltuend zurückhaltend mit eigenen Deutungen. Berutti überfrachtet das Stück nicht, setzt aber einige markante Akzente. Er verlegt die Handlung in eine (irreale) Gegenwart. Bühnenbildner Rudy Sabounghi hat einen mit rotem Samt ausgeschlagenen postmodernen Salon von großer geometrischer Strenge geschaffen, der beeindruckend die Klammer zwischen plüschiger Fin-de-Siècle-Atmosphäre und der Sachlichkeit des 21. Jahrhunderts schafft und in der die illustre Männerrunde um Kandaules im würdevollen Outfit des diplomatischen Corps irgendwo zwischen Brüssel, Berlin oder Wien agiert (Kostüme: Colette Huchard). Kandaules' manische Sucht, seine Macht, Reichtum und schließlich die Schönheit seiner Gattin vorzuführen, zeigt sich darin, dass er permanent alles um sich herum fotografieren muss (das Schlafgemach der Nyssia ist gar ein komplettes Fotostudio). Darin wird deutlich, wie sinnentleert und nur auf Dokumentation dessen, was er mehr verwaltet als besitzt, ausgerichtet sein handeln ist. Gyges als zupackender Liebhaber hat da nicht allzu viel Mühe, Nyssia die aufregendste Liebesnacht ihres Lebens zu bereiten. Dem Regieteam gelingt es recht geschickt, im Halbdunkel hinter der Gardine gerade genug davon zu zeigen, ohne in Peinlichkeit zu enden.


Ende des Versteckspiels: Gyges (Werner van Mechelen) offenbart sich Nyssia (Barbara Haveman)

Exzellent ist die nuancierte Personenregie, die stark choreographisch angelegt ist. Dadurch wirkt die Inszenierung trotz unzähliger, sauber ausgearbeiteter Details keineswegs naturalistisch, sondern behält etwas schwebend Unwirkliches. Das Ensemble bewältigt dies mit außerordentlich diszipliniert - jede noch so kleine Geste hat hier ihren genau festgelegten Ablauf und ihren (ästhetischen) Sinn. Musikalisch kann dieser hohe Standard nicht ganz gehalten werden. Gary Bachlund gibt in der Titelrolle einen ergrauten, sehr eloquenten Gastgeber mit perfekten Umgangsformen (hinter denen man das Gewaltpotential ahnt) ab. Stimmlich allerdings hat er Mühe, sich gegen das (von Kontarsky sängerfreundlich zurückgenommene) Orchester zu behaupten. In der hohen Lage wird sein in der Tiefe charmant baritonal eingefärbter Tenor eng und gequetscht. (An seiner eigenwilligen Aussprache des deutschen Textes wird sich das wallonische Publikum vermutlich weniger stören.) Mehr vokale Präsenz zeigt der solide und robuste, dabei sauber geführte Bariton von Werner van Mechelen in der Rolle des Gyges. Barbara Havemans Sopran wirkt für die Nyssia zu Beginn zerbrechlich und fast zu klein für die dramatischen Stellen. Im Schlussakt legt sie aber gehörig zu, und mit unerwartet zupackender verbaler Attacke besteht sie die hochdramatischen Momente des Finales. Im Rückblick erkennt man darin die Entwicklung der Figur vom zarten und gefährdeten Objekt männlicher Begierde hin zur treibenden und vernichtenden Kraft. Im Schlusstableau hält sie die Fäden in der Hand. Diese Brüche machen die Figur interessant. Solide besetzt sind die kleineren Rollen. Insgesamt eine beachtliche Leistung, die stimmig ist mit der Interpretation - auch wenn sie nicht viele vokalen Glanzlichter setzt.

FAZIT
Ungeachtet einiger musikalischer Abstriche gelingt der Lüttischer Oper eine sehr eindrucksvolle Produktion eines faszinierenden, trotz der anhalten Zemlinsky-Renaissance noch zu selten gespielten Werks.