La Libre Belgique
mis en ligne le 22/04/2003

classique
Mozart et le Roi Berger
Version semi-scénique, à la Monnaie, d'une "sérénade" habillée par Lacroix

Dans la chronologie des opéras de Mozart, "Il Re Pastore" prend place entre "La Finta Giardiniera" et "Thamos". L'oeuvre fut créée le 23 avril 1775 (soit jour pour jour 228 ans avant la première du spectacle de la Monnaie) à la Résidence du Prince Archevêque de Salzbourg: Mozart avait 19 ans.

Opéra? L'appellation exacte est "sérénade en deux actes". L'Archevêque Colloredo avait commandé à son compositeur une "fête théâtrale" pour accueillir en ses murs le fils cadre de l'Impératrice Marie-Thérèse, et Mozart s'était vu confier à cet effet un livret du célèbre Métastase (Pietro Trapassi de son vrai nom) écrit vingt- cinq ans plus tôt et déjà mis en musique par Gluck, Hasse ou Jomelli.

L'histoire se passe à Sidon, juste après qu'Alexandre le Grand eut conquis la ville et renversé le tyran Straton - toute ressemblance avec des situations contemporaines étant purement fortuite. Alors qu'Alexandre cherche l'héritier légitime qui devra remonter sur le trône, Aminta et Elisa, deux bergers, préparent leur mariage.

Vincent BoussardOn l'aura deviné: Aminta est le fils caché et Alexandre l'appelle à régner (quel drôle de nom pour un Roi). Mais Alexandre voudrait aussi qu'Aminta épouse Tamiri, fille de Straton: fidèle, le berger préfère renoncer au trône et conserver Elisa. Finalement, happy end: Aminta régnera avec Elisa pour Reine, et Tamiri pourra épouser Agénor, conseiller d'Alexandre qu'elle aime et qui l'aime. Et Alexandre leur conquerra un nouveau royaume sur lequel ils pourront régner.

A la Monnaie, l'oeuvre sera donnée en version semi-scénique, avec apparemment pour seul décor un grand mur doré (le même que celui de "I due Foscari"?). La (demi) mise en scène sera confiée à Vincent Boussard, qui mettra l'an prochain en scène l'"Eliogabalo" de Cavalli, et Christian Lacroix signera les costumes.

Alessandro de Marchi dirige la Beethoven Academie, la distribution étant composée de Bruce Ford (Alessandro), Annette Dasch (Aminta), Isabel Bayrakdarian (Elisa), Raffaella Milanesi (Tamiri) et le bien nommé Juan Jose Lopera (Agenore). (N.B.)

© La Libre Belgique 2003

 

La Libre Belgique
mis en ligne le 16/04/2003

OPÉRA -AVANT-PREMIÈRE / ENTRETIEN
Christian Lacroix habille les divas
La Monnaie présentera "Il Re Pastore", un petit opéra rarement monté de Mozart. Chritian Lacroix, le grand couturier français en a dessiné les costumes. Il nous parle du rapport entre la haute couture et l'opéra.

GUY DUPLAT

Christian LacroixChristian Lacroix est une des stars de la haute couture française. Nous avons rencontré le couturier dans les ateliers de la Monnaie où sont confectionés pour l'instant les costumes de l'opéra "Il Re Pastore" que l'Opéra National présentera à partir du 23 avril, une rareté, une oeuvre de jeunesse de Mozart qui sera jouée sur le proscenium sans décor mais avec la seule beauté des voix... et des costumes.

Que représente l'opéra pour un grand couturier?

J'ai toujours été fait pour le théâtre et l'opéra, je n'ai fait de la mode que par accident. Je suis né au Sud, dans une région où les gens sont extravertis. J'allais aux festivals d'Avignon, d'Arles, d'Aix. J'ai vécu ma vie comme une scène et je voyais les gens comme des acteurs. Du côté de ma mère, ses amis étaient des personnages incroyablement baroques à la Pagnol.

Je voulais faire des costumes de cinéma mais je n'ai fait que ceux du film de Diane Kuris, "les enfants du siècle". Par contre, j'ai réalisé nombre de costumes pour le théâtre et l'opéra. Et le Molière que j'ai reçu pour les costumes du Phèdre monté à la Comédie française, m'a plus touché que les deux dés d'or que j'ai reçu pour mes collections!

Je conçois la couture comme une manière de mettre les gens en scène. Une cliente que j'habille, une mariée qui me raconte sa vie depuis qu'elle a 5 ans, veulent être mises en avant comme une cantatrice.

Travailler pour un opéra vous laisse plus libre?

La mode pour la mode, c'est vraiment limité même si un défilé de couture ressemble à un petit opéra. Au théâtre, il y a aussi des contraintes mais on y trouve une échappée plus spirituelle. Je dois avoir une bonne relation avec le metteur en scène qui me donne envie de créer.

J'aime bien travailler avec Vincent Broussard qui monte ce Mozart. J'ai besoin d'être épaté, d'être dans la grâce comme lorsque je travaille avec Sylvie Guillem.

Qu'avez-vous proposé pour ce Mozart?

Ce ne sera pas un défilé de couture! Il n'y aura pas de broderies et même pas de couleurs, ce sera comme du Chardin, très 18 ième iècle. J'aime cette période comme j'aime les années 50-60. Le 18 ième était très créatif avant que la bourgeoisie du 19 ième ne bétonne toutes ces lumières. On créait au 18 ième des vêtements incroyables, comme certains costumes populaires des pays de l'Est avec leurs pompoms partout. Aucun créateur n'oserait faire cela aujourd'hui! Mais mes costumes seront très fluides, pastellisés, presque aquatiques.

Vous portez une veste du styliste anversois Bikkenbergs?

L'école de mode d'Anvers me fascine. Elle retrouve les couleurs de la peinture flamande, les noirs d'Hals, elle cherche le concept plus que l'apparence.

Vous vous dites plus costumier que styliste, plus proche de l'opéra que de la mode alors que pourtant votre succès vous fait créer nombre de défilés chaque année?

(Il rit). Mme de Staël disait que "le succès est le deuil éternel du bonheur". Et Thérèse d'Avila ajoutait: "il y a plus de larmes versées sur les voeux exaucés que le contraire".

© La Libre Belgique 2003