La Libre Belgique
30/01/2006

OPÉRA
La réponse du berger
Avec une Annette Dasch solaire, c'est le retour de "Il Re Pastore", de Mozart

Derrière l'habituel rideau de scène, relevé de 1,5 m environ, l'horizon est d'un bleu uni et profond; une fenêtre de grange d'où descend une échelle; des lumières tour à tour chaudes, lunaires ou éclatantes; cinq solistes, un petit orchestre et un continuo. Il n'en fallut pas plus à Vincent Boussard et à ses camarades pour faire de "Il Re Pastore" de Mozart un bijou de grâce et d'équilibre. C'était en 2003, le couturier Christian Lacroix faisait sa prise de rôle dans le monde lyrique bruxellois, Alessandro Di Marchi (requis cette fois par "Cosi fan tutte") avait assuré la réalisation musicale et Alain Poisson signait les lumières... Quant à la distribution, on y découvrait dans le rôle tire la jeune soprano allemande Annette Dasch, devenue une fidèle de la maison. Couronnée par un immense succès à l'époque, la production revient à La Monnaie jusqu'au 8 février.

Composé en 1775 par un Mozart de 19 ans, "Il Re pastore" (livret de Métastase) appartient au genre du "drame pastoral", riche en valeurs édifiantes et traité comme tel : l'univers est celui du conte plus que du drame, les tensions ne sont pas insoutenables et tout finit par un happy end. Une ouverture à la française non dénuée de noblesse, des récitatifs "seccos" sommaires (mais joliment soutenus par Jory Vinikour et Justus Grimm), deux amples récitatifs "accompagnés", une série d'airs conventionnels, un duo visionnaire et un choeur final du meilleur cru sont cette fois placés sous la direction très claire de Enrique Mazzola.

Toujours aussi rayonnante sur scène, Annette Dasch a encore gagné en aisance vocale et en précision, même si les coloratures n'entrent pas dans sa spécialité. Pas plus que chez ses amis de plateau, d'ailleurs, à l'exception notoire de la soprano Raffaella Milanesi (Tamiri), aussi agile dans ses vocalises qu'émouvante dans sa caractérisation musicale. Regrets, donc, que la soprano romaine Silvia Colombini (Elisa) et les deux ténors - l'Américain Bruce Ford (Alessandro) et le Colombien Juan José Lopera (Agenore) - n'aient pu, en dépit de très belles voix, dominer la partie "bel canto" de leurs rôles.

Restent encore l'enchantement du regard et, une fois n'est pas coutume, l'illusion rassurante des grands sentiments. (MDM)

 

Le Journal des Spectactles
Le mercredi 22 février 2006

Mozart à la Monnaie
Il re Pastore: pas -de relecture tarabiscotée

Par Caroline Alexander

Heureux effet de balancier, la reprise de Il re Pastore, opéra de jeunesse composé à l’âge de 19 ans et déjà gorgé de toutes les merveilles à venir, mis en scène il y a trois ans par le même Vincent Boussard, combla toutes les attentes. Une histoire de berger, de bergère et de monarque éclairé, une fable pastorale qui commence en drame et finit dans la réconciliation générale et le bonheur des amoureux. Aminta le berger aime Elisa la bergère et tous deux roucoulent leur amour dans leur grange et dans les prés jusqu’à ce que Alexandre, roi de Macédoine, reconnaisse en Aminta l’incarnation de son successeur... D’où un imbroglio de situations piégées où chacun cherche désespéramment sa chacune... et finit par la trouver. Les récitatifs, les arias, les duos se succèdent jusqu’à un superbe chœur final. Pas d’effet de manches de relecture tarabiscotée : la mise en scène, devant un rideau de scène pas même relevé à hauteur d’homme, est presque humble et cela lui va bien au teint.

Le charme de la représentation

Tout se passe à hauteur de la fosse d’orchestre et en complicité ludique avec le chef Enrique Mazzola et ses instrumentistes. Les personnages jouent devant le rideau, apparaissent et disparaissent d’un coup de tête derrière lui ou le perce d’une porte supposée s’ouvrir sur un décor à imaginer. C’est ce non vu qui fait le charme de la représentation, cette part de rêve dans les lumières pastel d’Alain Poisson laissant aux chanteurs le champ libre. D’une distribution à la juvénilité parfois encore verte se détachent, Annette Dasch, soprano allemande, qui confère solidité et lumière à Aminta, le berger jusque dans ses trilles aériennes et l’Italienne Raffaella Milanesi aussi vive dans ses vocalises que captivante dans son jeu et son joli sourire.

 

resmusica
07/02/2006

[Scène] Lyrique
[Bruxelles] Un petit bijou de divertissement

Il Re Pastore à la Monnaie
par Richard Letawe

A la Monnaie, l’anniversaire Mozart, ce sont deux productions mises en scène par le même homme, Vincent Boussard : Cosi Fan Tutte, qui est une nouveauté, et Il Re Pastore, reprise de 2003.

Il Re Pastore est une sérénade dramatique, sorte d’oratorio profane, non destinée au départ à être mise en scène, composée pour la visite de l’archiduc Maximilien-François à Salzbourg en 1775. Le livret de Metastase comportait trois actes et a été mis en musique une vingtaine de fois avant Mozart, qui compose sa version sur un livret raccourci à deux actes. Il raconte les péripéties d’Aminta, fiancé d’Elisa et pauvre berger qui ignore qu’il est en réalité le fils du défunt roi de Sidon. Alexandre le Grand qui a appris son identité véritable, débarque chez lui après la conquête de Sidon avec de grands projets : lui rendre son trône et lui faire épouser Tamiri une princesse qui aime en réalité Agenore, le serviteur d’Alexandre. Tout ce petit monde est évidemment très malheureux des choix d’Alexandre, et Aminta déclare préférer renoncer au trône qu’à sa chère Elisa. Le Conquérant finira par ouvrir les yeux et, en bon despote éclairé, acceptera qu’Aminta épouse Elisa, et donnera un royaume à Agenore afin qu’il soit digne d’épouser Tamiri. Sur cet argument très représentatif des préoccupations de cette période : la raison d’état confrontée aux aspirations individuelles, le jeune Mozart compose une partition gracieuse et galante, qui n’a pas encore la profondeur de ses œuvres de maturité, mais qui contient quelques airs inspirés et élégants, ceux d’Aminta surtout, parmi lesquels un très beau rondeau avec violon obligé, et ceux de Tamiri également, un personnage à peine esquissé dans le livret, mais auquel Mozart donne une vraie épaisseur musicale dans ses deux airs.

La mise en scène de Vincent Boussard est une grande réussite car le profond respect qui l’a animé face à cette œuvre fragile est palpable. Nous avions déjà précédemment souligné les mérites du metteur en scène dans il Matrimonio segreto, notamment son talent à faire bouger les acteurs. Ici encore, il réussit à animer son plateau avec trois fois rien : un tricorne, une échelle, un foulard, … et fait vivre les récitatifs avec bonheur (exercice difficile car ils sont forts longs et généralement peu animés), dans un décor dépouillé à l’extrême, mais enrichi de manière très pertinente par de belles lumières.

Musicalement aussi, la soirée est de bon niveau, avec une distribution intéressante et une direction vive et joyeuse. Dans le rôle principal, Annette Dasch est une actrice convaincante et racée, mais son chant est plus discutable. Le timbre est somptueux, avec un médium riche et lustré, mais les aigus sont troubles, la vocalisation inégale, et les problèmes de justesse dans " L’amero, Saro costante ", le rondeau avec violon, sont criants. Sa fiancée est interprétée par la soprano Silvia Colombini : un timbre lumineux, des aigus assez stridents, et qui ornemente d’une façon très artificielle, comme si c’était une corvée, la ligne de chant étant brisée à des endroits absolument inexplicables. Finalement, la plus satisfaisante parmi les dames est Rafaella Milanesi, soprano au timbre sombre et magnifiquement corsé, dont on regrettera les aigus assez sourds, mais qui est la seule à sembler chanter un rôle plutôt qu’une partition, et dont la virtuosité n’est pas gratuite, mais nécessaire et évocatrice. Chez les hommes, deux beaux ténors : Bruce Ford, Alexandre aux accents impérieux et fiers, au timbre cuivré et éclatant, à l’expression noble, et à la justesse impeccable. Son seul défaut est une émission assez engorgée. L’acteur ne brûle pas les planches, mais sa légère raideur scénique convient très bien à un personnage qui n’a guère de profondeur. Le second ténor est Juan José Lopera, un espagnol, ce qui s’entend dans les récitatifs qu’il a déclame dans une langue assez rugueuse. Il rencontre quelques problèmes dans son premier air, " Per me rispondete " qu’il a du mal à alléger, mais le second, " Sol puo dire come si trova " est splendide : énergique, souple et excellemment projeté. Dans la fosse, le sémillant Enrique Mazzola donne une lecture théâtrale et enjouée de la partition, il dirige en amoureux des voix, aux petits soins pour ses chanteurs, mais néglige un peu trop de tenir fermement son orchestre, qui ne brille pas par ses couleurs, assez ternes, et qui commet de nombreuses fautes d’inattention.

Au final, une très agréable soirée, qui passe à toute vitesse, et l’espoir que Vincent Boussard se sera montré aussi inspiré dans Cosi Fan Tutte que dans ce très joli Re Pastore.

Bruxelles. Théâtre Royal de la Monnaie. 02-II-2006. Wolfgang Amadeus Mozart : (1756-1791): Il Re Pastore, dramma per musica en 2 actes sur un livret de Pietro Metastasio. Mise en scène et décors : Vincent Boussard ; costumes : Christian Lacroix ; lumières : Alain Poisson ; reprise de la mise en scène : Sybille Wilson. Avec : Bruce Ford, Alessandro ; Annette Dasch, Aminta ; Silvia Colombini, Elisa ; Raffaella Milanesi, Tamiri ; Juan José Lopera, Agenore. Orchestre symphonique de la Monnaie. Direction musicale : Enrique Mazzola.

 

CantoLirico.com
"Il re pastore" en Bruselas, 28 de enero 2006

Il Re Pastore de Mozart en el Teatro de la Moneda de Bruselas

escrito por Federico Figueroa
enviado especial Bruselas

El Teatro de La Moneda tampoco ha dudado en sumarse a los fastos del "Año Mozart", programando varios títulos de su autoría. Aquí, además de las archiconocidos títulos del genio de Salzburgo, se repusó en esta temporada la producción estrenada en 2002 de "Il re pastore", una obra pocas veces frecuentada en los grandes teatros. Cuatro son las óperas de Mozart con que el coliseo belga le rinde particular homenaje en este ciclo, iniciando en la apertura el pasado septiembre con Die Zauberflöte, prosiguiendo en noviembre con La clemeza di Tito, y ya en enero la nueva producción de "Così fan tutte", estrenada la semana pasada y que se intercalada con la que aquí nos ocupa. Además diversos espectáculos, charlas, conferencias en torno al compositor se han presentado o se tendrán lugar en este semestre. ¡Mozartmanía!

Aminta, el joven pastor al que se refiere el título que lleva la obra, fue encomendado a la soprano Annette Dasch, que no desaprovechó ni una sola de sus lucidas intervenciones para lanzar los fulgores de su voz, de timbre bello y agilidades seguras, al extasiado público. Alessandro, el gran macedonio, estuvo encarnado por el tenor Bruce Ford, que se encuentra en buena forma vocal, dejando claro por qué en su momento, antes del fenómeno Flórez, era considerado como uno de los grandes tenores lírico-ligeros. La facilidad con la que parece cantar el peruano es lo que hace la diferencia con otros tenores de sus características , incluido Ford. Otro latinoamericano, el joven tenor Juan José Lopera, de Colombia, también tiene esa facilidad en el registro más agudo, emitidos con brillo y caudal sonoro homogéneo. El papel que representó, Agenore, le reportó muchos aplausos en sus dos arias. La soprano italiana Rafaella Milanesi, una cantante de atractiva voz y fuerte personalidad, también participó, como Tamiri, de la fiesta vocal que Mozart proporcionó a los solistas con esta partitura. La joven Silvia Colombini , soprano ligera, debutaba en la plaza como la coprotagonista de la historia – Elisa, la poseedora del amor del pastor Aminta – , y los nervios le traicionaron en el final del aria de entrada, fallando el agudo final de la misma, inconveniente que le pasaría factura en los aplausos finales, a pesar que después del entreacto mostró su valía en la segunda de sus intervenciones. La orquesta estuvo dirigida correctamente por Enrique Mazzola, que permitió a los cantantes pequeñas concesiones en los ataques finales de sus arias. La regia del francés Vincent Boussard fue muy sencilla, escenografía única y un par de elementos de atrezzo, apoyada en la utilización de la sala de butacas, con entradas y salidas de los solitas hacia ella, de los balcones de proscenio y el estilizado barroco de los figurines del famoso modista de haute couture Christian Lacroix. Visualmente bellas cada una de las escenas, aunque acusó monotonía en algunos momentos.