ForumOpéra
Théâtre du Châtelet (Paris), le 23 octobre 2005

Paris oublie sa Seine et se met à l’heure du Rhin

En ce début d’automne, Paris oublie sa Seine et se met à l’heure du Rhin. La Tétralogie, présentée au Théâtre du Châtelet, monopolise l’espace lyrique français. La presse, même profane, s’empare du sujet. Quel journal, quel magazine n’a pas encore délivré son Wagner mode d’emploi ? Comme à chaque fois, Das Rheingold donne le la d’une production trop attendue. Trop, car les trépignements engendrent souvent les déceptions et accroissent les rancoeurs. La générale s’achève à peine que déjà les commentaires vont bon train clouant au pilori la moitié de l’affiche. Bardé de recommandations et d’a priori, le spectateur, cet après-midi, pose avec suspicion un pied dans le panthéon wagnérien et, cramponné à la rambarde, se penche prudemment pour contempler " l’astre des profondeurs ".

La déconvenue ne naît pas alors, comme prédit, de la répétition d’un principe de mise en scène éprouvé depuis plusieurs années, qui, de Madame Butterfly à Pelléas et Mélisande engendre toujours les mêmes images, du glissement abstrait, au lever du rideau, des filles du Rhin sur un plateau nu, mais du manque de consonance de nos trois folles ondines. Les sonorités liquides des " Weia ! Waga ! " ne se fondent pas et, prises individuellement, les voix ne s’écoulent pas mieux ; seule la Flosshilde ambrée de Annette Jahns surnage.

Ainsi, tout au long de l’oeuvre, Christophe Eschenbach ne parvient pas à fusionner le métal. Les cuivres insolents, plus souvent qu’à leur tour bravent la justesse, écrasent les bois, répriment les cordes, irréprochables au demeurant. A défaut de splendeurs orchestrales, le chef s’attache à la mesure, maintient heureusement l’équilibre entre le plateau et la fosse. "Weh, weh", faute d’harmonie fluide, les accords perdent de leur pouvoir maléfique.

Frustrée, l’attention se porte alors sur les chanteurs. Dans cet univers panthéiste, les appelés sont nombreux, les élus un peu moins.

Seule parmi eux, Mihoko Fujimura fait l’unanimité avec le sens inné d’un théâtre qui puise à la même source nippone. Fricka jette son tablier de ménagère et démontre en un chant percutant et sensible son essence divine. Marâtre non mais impérieuse, séduisante enfin, elle restitue à Wotan sa part d’humanité, l’oblige de manière crédible à se réfugier inlassablement dans le mensonge et la lâcheté.

Le hiératisme de Robert Wilson sert la cause de Jukka Rasilainen, hier fruste Kurwenal sur la scène de l’Opéra de Bastille. Figé, la lance sempiternellement collée à la paume écartée, l’oeil bandé ainsi que l'exige le livret, il conforme son interprétation à l’attitude imposée et offre un dieu monolithique, voire inexpressif, mais présent. La composition brute, plus que brutale, ne dépare pas L’or du Rhin où le personnage erre encore dans les limbes de l'histoire ; Il n’est pas certain que les affres lyriques de La Walkyrie se satisfassent d’un portrait aussi uniforme.

Autre rescapé du Tristan de la saison dernière, Franz Joseph Selig démontre qu’un excellent roi Marke ne fait pas forcément un bon Fasolt. Qu’est devenue la bouleversante humanité applaudie à Paris comme à Rouen? Le géant n’exprime plus l’émoi amoureux, cette détresse qu’il partage, à un degré moindre, avec l’époux d’Isolde. L’ampleur même est défaillante. Basse plus que baryton, il se confond presque avec le Fafner sans envergure de Günther Groissböch. Les colosses ont des pieds d’argile.

Loge aussi déçoit. David Kuebler possède le rayonnement physique du rôle. Sa présence allume la flamme, lumière rouge sur le visage à l’appui. Mais le timbre irrémédiablement usé éteint tout scintillement musical. Le feu oublie de crépiter. L’autre ténor, Volker Vogel, tire autrement son épingle du jeu de Mime, réduit cependant à la portion congrue dans ce premier épisode.

Reste véritablement l’obscur Alberich de Sergei Leiferkus. Dépourvu de sensualité, de sauvagerie - mais comment, bridé par le procédé scénique, démontrer de telles qualités ? - il atteint sa véritable dimension, haineuse et possédée, dans les métamorphoses et surtout dans une malédiction impressionnante, au désespoir fielleux, morceau de bravoure halluciné d’un des plus beaux rôles de la partition.

La Freia un peu légère de Camilla Nylund, le Donner franc mais épais de Laurent Alvaro, l’Erda massive de Qiu Lin Zhang complètent une distribution honnête, en conclusion, mais sans plus.

Sur scène, pendant ce temps, insensible au déferlement humide des passions, la beauté souvent jaillit du geste, de la lumière surtout, travaillée comme une matière. Dans cet univers superbement abstrait, le système de Robert Wilson n’atteint pas sa limite ; ses contraintes n’entravent jamais la lisibilité de l’intrigue. Au contraire. Deux, trois éléments ridicules (le crapaud vert, surprenant dans un univers à la subtile monochromie, l’agitation stupide des petits Nibelungen), quelques erreurs de réglage (le visage de certains chanteurs maintenu dans l’ombre quand ils prennent la parole) n’en amoindrissent pas l’impact.

Au final, l’enthousiasme naît avant tout de l’adéquation entre la musique et sa représentation tandis que surgit, inévitable, la question : comment interpréter une telle vision ? La suite au prochain numéro…

Christophe Rizoud

 

altamusica.com
Théâtre du Châtelet (Paris), le 19/10/2005

CRITIQUES DE CONCERTS

Création à Paris de l’Or du Rhin de Wagner mis en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet.
Ring 2005-2006 (1): L’éclat terni de l’or
Coup d’envoi de l’événement de la saison lyrique parisienne au Châtelet, avec pour entamer un nouveau Ring qui occupera la scène jusqu’à la mi-avril un Or du Rhin dont l’éclat de la mise en scène de Bob Wilson sera terni par une distribution faible et dans une moindre mesure par un Christoph Eschenbach peu tranché dans ses options.

par Yannick MILLON

L’histoire de la mise en scène wagnérienne semble un perpétuel recommencement ; et après les fantasmes les plus délirants du Regietheater à l’allemande, culminant dans un Ring de Stuttgart d’une incommuensurable laideur, comment ne pas se sentir lavé, purifié même par l’esthétisme d’un Bob Wilson ? Car au-delà des incertitudes que peut faire planer, en termes de théâtre, l’épure jusqu’à l’ascèse de cet extraordinaire travail de plasticien, on est littéralement soufflé par la beauté du visuel de cet Or du Rhin – la perspective atmosphérique du Walhalla, les rais de lumière de l’or, un Niebelheim au format cinémascope avec pour seul décor un mur de barbelés figurés et des éclairages vert marécage du plus bel effet.

Certes, on a plus affaire à une abstraction du mouvement qu’à un véritable travail d’acteurs, et Wilson ne nous apprend rien de révolutionnaire sur le Ring, mais il en respecte scrupuleusement les rouages par le biais d’éclairages signifiants, de costumes stylisés et d’une gestuelle codifiée selon la catégorie sociale des personnages. Cette démarche minimaliste qui touche à l’universel et l’atemporel n’a rien de totalitaire : elle suggère au lieu d’imposer, et convient très bien à l’atmosphère mythique de l’Or du Rhin.

On peut bien sûr rester sur sa faim en termes de drame – l’assassinat de Fasolt ou l’anneau arraché à Alberich, très sages – ou de magie – l’apparition d’Erda, bien prosaïque – mais la force des images de Wilson est indéniable. Reste à savoir si elle supportera le théâtre moins légendaire, plus psychologique, de la Walkyrie.

Une direction sans fil conducteur clair

Pour son premier Ring, Christoph Eschenbach avait annoncé vouloir suivre le sillage de son maître Karajan dans la recherche de transparence, d’atmosphères chambristes. Et si en effet, à plusieurs reprises, la pâte sonore s’allège jusqu’au vaporeux, sur l’ensemble de la représentation, on a du mal à suivre le fil conducteur d’une direction parfois fine et cursive, trop souvent appuyée et trop lente – les discussions des géants, rivés à leurs cothurnes –, malgré un Orchestre de Paris de noble cachet sonore.

Mais plus que d’une battue hésitante, cet Or du Rhin pâtit d’une distribution où seuls les Nibelungen imposent une véritable présence. Sergei Leiferkus maîtrise toutes les facettes d’Alberich en une incarnation presque schizophrénique et ne fait qu’une bouchée de ses aigus, même si le timbre clair et acéré n’est pas celui du rôle. Le Mime de Volker Vogel, admirablement caractérisé, promet un passionnant Siegfried en janvier.

Il y a aussi ceux qui se contentent de bien chanter, comme la Freia au joli timbre de Camilla Nylund ; le Froh cuivré d’Endrik Wottrich, par ailleurs le seul de la distribution à avoir la conscience même de la vocalité wagnérienne ; et, à moindre degré, la Fricka légère, très soprano, séduisante quand elle ne crie pas pour imposer une autorité, de Mihoko Fujimura.

Faiblesses vocales

Car le reste du plateau est bien faible. Le Wotan de Jukka Rasilainen n’a pour lui que les décibels : couleur ingrate, aigus ouverts et déité négligeable. Le Loge de David Kuebler, malgré de beaux moments, finit la soirée éteint, et approximatif d’intonation. Laurent Alvaro est un Donner d’opérette à force de verdeur, Qiu Lin Zhang une Erda factice et toute tubée s’inventant un grave qu’elle n’a pas. Il est jusqu’aux Filles du Rhin d’être privées de séduction, aux Géants de format surhumain : Fasolt au timbre noble, à la Salminen, mais à la projection limitée, de Franz-Josef Selig ; Fafner confidentiel et rétif à chanter en mesure de Günther Groissböck.

Il y a fort à parier que l’éclat scénique de cet or ne tiendra pas longtemps face à d’aussi criantes défaillances musicales.

 

ConcertoNet.com
20 octobre 2005

Great expectations

Le Châtelet accueille l’événement de l’automne parisien, à savoir le début d’un Ring coproduit avec l’Opéra de Zurich, dont la présentation sera échelonnée en six cycles complets d’ici avril 2006 (dont deux au printemps).

Evénement, car la Tétralogie, c’est toujours un événement en soi, sa dernière apparition scénique dans la capitale remontant à 1994, également au Châtelet, dans la vision de Pierre Strosser, associé à Jeffrey Tate à la tête de l’Orchestre national. Alors, même si le prix des billets a atteint les sommets (de 40 à 200 euros), la foule est naturellement au rendez-vous (mais il reste encore des places pour les prochaines représentations).

Evénement, car la confrontation de Robert Wilson avec l’univers de Wagner provoque inévitablement la curiosité, même si l’Américain possède déjà à son actif Parsifal à Hambourg (1991) et Lohengrin à Zurich (1998) et même si l’Anneau du Nibelung, qui en a vu bien d’autres en près de cent trente ans d’existence, des peaux de bête originelles à la science-fiction de Kupfer, a les épaules suffisamment larges pour résister à toutes sortes d’iconoclasmes.

Evénement, car de grandes voix sont attendues: Sergei Leiferkus, Petra-Maria Schnitzer, Linda Watson, Marisol Montalvo, Peter Seiffert, Dietrich Henschel, Kurt Rydl et, pour la seconde série de La Walkyrie (en avril prochain), Placido Domingo.

Evénement, car l’Orchestre de Paris et son directeur musical, Christoph Eschenbach, sont de l’aventure, affiche prometteuse au vu de la régularité et de l’excellence dont ils ont fait preuve ensemble au cours des dernières années.

Dire, à l’issue de la première de L’Or du Rhin (1854), que cette montagne d’événements a accouché d’une souris serait bien entendu excessif et injuste, car l’impression dominante n’en demeure pas moins celle d’un spectacle parfaitement au point, offrant de grandes satisfactions mais ne suscitant ni l’admiration sans réserve ni même l’étonnement, comme en témoigne une ovation finale assez peu effusive quoique bien nourrie.

Dès lors, c’est sans surprise que l’on retrouve les attributs traditionnels du langage wilsonien: lents déplacements, poses rigides, esthétique des angles aigus, visages blêmes et longues robes du théâtre japonais (costumes de Frida Parmeggiani). Ce travail au fond assez sage, scrupuleusement fidèle au texte malgré une stylisation très avancée, se fonde, comme de coutume, sur un dépouillement particulièrement poussé de la scénographie et des accessoires, allégorie qu’un livret de portée aussi universelle supporte sans peine, d’autant qu’aucun symbole essentiel ne manque, sinon peut-être le Walhalla: Rhin vaporeux dont les nuées se répandent jusque dans la fosse, anneau de grande taille qui entame son itinéraire funeste d’un héros à l’autre, heaume magique, bandeau sur l’œil gauche de Wotan, serpent brillant descendant des combles lorsque Alberich opère se transformation et… bâton de pluie qui ne quitte jamais Donner. Dans de telles conditions, les lumières, dont la réalisation est partagée entre Wilson lui-même et Kenneth Schutz, revêtent une importance cruciale: non seulement elles suivent de près la partition, mais elles ouvrent, y compris par de magnifiques jeux d’ombres, des perspectives que la direction d’acteurs ou les décors se refusent sciemment, le plus souvent, à apporter.

On reste cependant plus perplexe devant l’énigmatique forme géométrique lisse et bleutée qui se meut au sol durant les deuxième et quatrième scènes, ou devant la forêt de barres obliques qui sert de cadre à Nibelheim lors du troisième tableau. De même, la petite troupe de Nibelungen esclaves d’Alberich – joués, comme c’est généralement le cas, par des enfants – prête à sourire: vêtus d’une tenue intermédiaire entre la camisole de force et l’uniforme de combat des CRS, ils gesticulent comme des agents de police réglant la circulation à un carrefour. Quant à la grenouille schématique (mais d’un vert éclatant) qui traduit la seconde transformation d’Alberich, elle soulève quelques rires dans le public.

La distribution peut sans peine être qualifiée, selon la formule consacrée, d’inégale. Plus clair, puissant et lyrique que sombre ou profond, Sergei Leiferkus, malgré la tentation de dire plus que de chanter son rôle, se taille légitimement le plus beau succès au moment des rappels, car il incarne véritablement le roi déchu, notamment au moment de sa malédiction, proférée avec une superbe intensité. A ses côtés, deux artistes s’imposent dans des personnages qui, sans être de premier plan, leur permettent de démontrer toute l’étendue de leur talent: éclipsant le bon Fafner de Günther Groissböck, Franz-Josef Selig déploie une ligne de chant idéale en Fasolt, tandis que Mihoko Fujimura campe une Fricka vindicative, véritable harpie qui passe la rampe sans la moindre difficulté.

C’est en revanche la déception, à des degrés divers, pour deux des principales figures: le Loge de David Kuebler, très irrégulier, tendu dans l’aigu, d’une justesse aléatoire, est toutefois doté d’un sens dramatique remarquable, surtout au regard du peu d’expression et de mobilité qu’autorise l’approche de Wilson; mais la plus grande frustration vient sans doute du Wotan de Jukka Rasilainen, éteint et inexpressif, raide comme s’il ne parvenait pas à s’accommoder des contraintes imposées par la mise en scène, semblant en outre mal à l’aise dès qu’il abandonne le registre médian, avec des attaques fréquemment mal assurées et un timbre trop neutre.

On se réjouit en revanche de pouvoir retrouver plus longuement dans Siegfried, en janvier prochain, le Mime d’excellente facture de Volker Vogel et, dans une moindre mesure, l’Erda aux graves un peu difficiles de Qiu Lin Zhang. Enfin, dans un rapport inhabituellement inversé, le Donner de Laurent Alvaro est plus léger que le Froh luxueusement distribué d’Endrik Wottrich, a contrario un peu trop chargé.

Pour la conception d’ensemble, Eschenbach avait annoncé la couleur: profiter de la sonorité spécifique d’une formation française, faire entendre l’influence de Berlioz mais aussi de Meyerbeer, mais aussi privilégier, à l’instar de Karajan à la fin des années 1960, la transparence ainsi qu’une "atmosphère de musique de chambre", évitant aux chanteurs d’avoir à hurler sans cesse. De fait, l’équilibre entre le plateau et la fosse est irréprochable, ce qui n’empêche pas l’Orchestre de Paris, absolument impeccable, de rutiler du début jusqu’à la fin. Si l’allure générale (deux heures et trente-six minutes), parfois trop retenue lorsque l’action paraît pourtant appeler une certaine animation, est en accord avec la lenteur qui prévaut sur scène, certaines caractérisations (des Filles du Rhin qui minaudent, Fricka transformée en mégère pas très apprivoisée) et la manière d’appuyer certains effets orchestraux créent un hiatus assez inattendu avec l’ascèse des images qui se déroulent sous les yeux des spectateurs.

Simon Corley

 

LE JOURNAL DE SPECTACLES
25 octobre 2005

Opéra/Classique: L’Or du Rhin et La Walkyrie de Richard Wagner
Festival d’effets spéciaux

Par Caroline Alexander

Chaque fois, l’événement fait mouche : dès qu’une nouvelle Tétralogie, l’œuvre majeure en quatre opéras de Richard Wagner, est annoncée, c’est l’émeute chez les wagnerophiles, wagnerolâtres et quel que soit leur prix, les places s’arrachent. Celle qui vient de prendre son envol au Châtelet de Paris n’a pas dérogé à la règle. Le théâtre affiche complet (ou presque) jusqu’à la fin des représentations programmées jusqu’au mois d’avril 2006.

Il y avait onze ans qu’on ne l’avait pas vu à Paris ce fameux Anneau du Nibelungen avec son prologue et ses trois journées. Ce n’est pas à l’Opéra de Paris, où il est absent depuis plus d’un demi-siècle, mais dans ce même Châtelet que les quatre opus et leur seize heures de musique furent à l’affiche au printemps 1994, dans une mise en scène tout en grisaille de Pierre Strosser. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’aujourd’hui, à l’exception du lieu, la production s’annonce radicalement différente, tant dans l’analyse que dans l’approche et l’exécution. La griffe haute-couture des lumières de Bob Wilson est passée par là ainsi que les sonorités de l’Orchestre de Paris enfiévrées par son chef Christoph Eschenbach.

Une aura d’universalité

Le problème avec cette gigantesque fresque, dont Wagner puisa les éléments dans la saga islandaise des Eddas, est de savoir par quel bout la prendre, s’il faut la traiter au premier degré façon bande-dessinée avec armures, boucliers et casques à pointes ailées, comme ce fut le cas jusqu’aux années cinquante quand Wieland Wagner, le petit-fils de Richard, osa pour la première fois un dépouillement qui conférait à l’œuvre une aura d’universalité. Depuis ce temps-là, tout aura été essayé, les partis pris les plus fous comme les plus saugrenus. En 1976, pour le centenaire de sa création à Bayreuth, la réalisation de Patrice Chéreau et Pierre Boulez, qui transposait l’épopée dans le siècle de Wagner, reste aujourd’hui encore comme la référence absolue.

Silhouettes hiératiques en costumes stylisés

Avec l’Américain Bob Wilson se pose un tout autre problème : celui du rôle du metteur en scène. Est-il la personne désignée pour rendre compte d’une œuvre, en un mot pour la servir, ou bien est-il celui qui se sert de cette œuvre pour en faire le miroir de ses obsessions, voire de ses manies ? Depuis une quinzaine d’années, Robert Wilson, que l’on a connu débordant d’imagination dans Le Regard du Sourd, Einstein on the Beach, Civil Wars, Black Rider et quelques autres réalisations inoubliables, s’est mué en dandy touche-à-tout : peintre, sculpteur, concepteur de design mobilier, organisateur de défilés de mode, etc. Pour figer, par la suite, ses réalisations dans un moule unique fait de lumières rasantes, de contre-jours et de poses maniérées empruntées pêle-mêle aux bas-reliefs de l’Egypte antique et au Japon des Samouraïs et du théâtre Nô.

De fait, Wilson met tout ce qu’il touche à la même sauce : silhouettes hiératiques en costumes stylisés se déplaçant de préférence de profil, les doigts écartés, et festival d’effets spéciaux. Ils ne sont plus des personnages mais les projections d’un ballet minimaliste où le chic et l’élégance priment. Selon les œuvres, ça colle ou ça ne colle pas. Ce fut plutôt réussi pour Pelléas et Mélisande de Debussy, à l’Opéra de Paris mais raté pour La Flûte Enchantée de Mozart, pour ne citer que deux exemples.

Minimalisme symbolique

Pour L’Or du Rhin et La Walkyrie, le prologue et la première journée de la Tétralogie qui viennent d’ouvrir le feu des festivités du Châtelet, une progression s’installe d’un opéra à l’autre, une sorte d’accoutumance qui finit par une forme de fascination, née principalement des éblouissants jeux de lumière qui remplacent à eux seuls tout décor et même toute psychologie. Car la psychologie est bien le dernier souci de Wilson et il serait vain de chercher la moindre direction d’acteurs ou quelque chose de physique dans les rapports entre les protagonistes transformés en poupées de cire robotisées.

On commence donc par suivre difficilement l’épopée des filles du Rhin, ces naïades coquines dépositaires de l’or du fleuve transformées ici en statues amidonnées qui n’ont plus l’air du tout de s’amuser à émoustiller Alberich, visiteur aux dents de requins qui renonce à l’amour par amour du pouvoir. Alberich, épaules nues sur tenue géométrique à la Goldorak, est sauvé du ridicule de son costume par Sergei Leiferkus, magnifique baryton qui réussit à lui donner de l’épaisseur et du mystère. Les dieux - Wotan le borgne et Fricka, sa femme, gardienne des vertus conjugales, Freia la vierge garante d’éternelle jeunesse, Loge le demi-dieu du feu, les géants bâtisseurs du Walhalla et les nains forgerons dirigés par Mime qui n’est plus le traditionnel nabot mais un athlète bodybuildé - sont tous logés à la même enseigne du minimalisme symbolique. Avec des moments de grande beauté visuelle comme celui où l’or tombe des cintres en une cascade lumineuse ou encore celui où les nains de la forge - une figuration d’enfants costumés en automates - forment une ronde d’ombres chinoises.

Sigmund et Sieglinde

Avec La Walkyrie, s’installe le monde des humains. Wotan, incurable coureur de jupons, Don Juan du Nord, a engrossé une mortelle qui lui a donné des jumeaux, un fils et une fille. Wotan a abandonné la fillette et laisse errer le fiston dans les bois. Jusqu’au jour où celui-ci frappe à la porte d’une demeure patricienne et demande l’hospitalité...

Ainsi Sigmund retrouve sa sœur Sieglinde mal mariée au brutal Hunding, en tombe amoureux et réussit à arracher le glaive Notung du frêne où Wotan l’avait fiché. Les amants incestueux seront poursuivis par la rage de leur père qui délègue à Brünnhilde, l’une de ses filles, sa Walkyrie préférée, la mission de punir le couple. Mais Brünnhilde a un cœur, elle désobéit... Ainsi se mettent en place les malédictions qui, deux opéras plus loin, aboutissent au Crépuscule des Dieux.

L’adéquation son et lumière

Il y a un semblant de décor au premier acte de cette première journée, une sorte de hall cathédrale, noir et gris avec de larges baies vitrées et une colonne couleur d’encre d’où s’échappe la poignée de l’invincible glaive. Puis les espaces nus, habillés de lumières, reprennent leur rôle conducteur et médiateur pour se fondre dans la musique et lui donner son sens. Il y a incontestablement une connivence entre Wilson, l’éclairagiste et Eschenbach, le metteur en musique. Tout concorde parfaitement, l’adéquation son et lumière tient parfois du tour de magie. La lumière blanche sur les mains unies de Sigmund et Sieglinde en dit plus long sur leur passion que n’importe quelle embrassade. Et l’Orchestre de Paris, dont Eschenbach est le chef, qui dans L’Or du Rhin semblait rester sur ses réserves chambristes, prend de l’élan, des couleurs, une respiration large qui va parfois jusqu’à couvrir les voix quand les chanteurs se trouvent au fond de la scène et que grondent les tempêtes.

Peter Seiffert, exemplaire d’intensité

Ces voix justement, prennent aussi leurs marques dans La Walkyrie. Alors que Jukka Rasilainen campe un Wotan sans autorité et sans charisme dans L’Or du Rhin, il prend enfin de l’ampleur, vocalement et scéniquement, et ajoute une pointe de sarcasme qui le diabolise. Il ne sera sans doute jamais un Wotan idéal, car pour cela il lui faudrait un charme quasi surnaturel pour que soient acceptés ses débordements de truand, de dictateur et de guerrier sans scrupule. Mikhoko Fujimura en revanche fera date dans son interprétation de Fricka, femme blessée dans sa dignité et ses passions, timbre au phrasé aérien, beauté de corps et de tête.

Si la Sieglinde de Petra-Maria Schnitzer parait froide jusqu’à l’absence, le Sigmund de Peter Seiffert, malgré ses dérapages dans les graves, reste exemplaire d’intensité et de lumière. La stature athlétique et la voix de caverne du Hunding de Stephen Milling impressionnent les yeux et les oreilles.

Linda Watson, merveilleuse d’humanité

Dans le rôle titre, Linda Watson fait quelques mécontents car ni sa voix ni son jeu ne correspondent aux clichés collés à Brünnhilde, avec ses glapissements aux cimes des contre-uts et son allure guerrière. Elle est pourtant merveilleuse d’humanité et de douceur, deux qualités essentielles de cette héroïne qui se sacrifie par compassion et dont on n’entend que trop rarement la chaleur, le moelleux et le courage. Linda Watson émeut. Elle est la seule à réussir ce tour de force.

Pour Siegfried et Le Crépuscule des Dieux, il faudra attendre janvier et février prochain avant de pouvoir regrouper le tout en avril. A noter que Placido Domingo remplacera Peter Seiffert pour le Sigmund de 2006.

 

ANACLASE.com
28 octobre 2005

Paris, Théâtre du Châtelet, 21 & 25 octobre 2005
"der ring des nibelungen" de richard wagner
prologue : das rheingold
1ère journée : die walküre

On s'en souvient : c'est déjà le Théâtre du Châtelet qui proposait le dernier Ring parisien, réalisé par Pierre Strosser et dirigé par Jeffrey Tate. Dix ans plus tard, le public lutécien peut redécouvrir le grand œuvre wagné- rien, dans une version co-produite avec l'Opernhaus de Zurich, attendue comme l'événement de la saison. Robert Wilson inscrit sa mise en scène dans la continuité de ses investigations esthétiques qu'un minimalisme de plus en plus radical caractérisera le plus rapidement. Ici, la vapeur fait la première son entrée sur scène, localisant les flots légendaires qu'anime peu à peu l'orchestre. Des couleurs savamment choisies tra-verseront un fond de scène systématique, tour à tour ciel de méditation, horizon d'éternité ou miroir des humeurs, cependant jamais perspective ni profondeur. On l'aura compris : la lumière, conçue par l'Américain avecla complicité de Kenneth L. Schulz, sera le principal scénographe de ces quelques quinze heures de spectacles.

Dans ce travail, on saluera une certaine manière de souligner actes, situations ou fonctions dramatiques par le soin apporté à plusieurs ima-ges soudain mises en exergue du flux de la gestuelle générale devenue désormais conventionnelle : la lueur du précieux métal reflétée sur les mains des Filles du Rhin - l'œil de l'or - ; la lance de Wotan sourdant du sol devant les montagnes azurées où les géants ont construit le Château ; le suivi écarlate sur la silhouette de Loge ; la vie extraordinaire qu'une découpe précise donne à la main de Sieglinde partageant l'eau avec Siegmund ; d'incessants changements de ciel (Die Walküre, 2ème acte) devant lesquels les dieux piétinent un sol pouvant évoquer, sans les définir aussi nettement que l'énoncent ces lignes, des terres avec leurs côtes, leurs reliefs, leurs mers, mesurant alors le temps indicible d'immortels ; la solitude du bouclier et de la lance de Brünnhilde plantés au sol pendant la vaine repentance de la préférée de Wotan ; etc. L'absence d'une conception spécifiquement théâtrale vient toutefois gêner la perception que nous pou-vons avoir de ces belles images. Car enfin, des chorégraphies malhabiles (ineptes rondes des Filles du Rhin, figuration inutile et mal réglée des petits Nibelungen…), une solennité rigide qu'aucun humour ne tente jamais de transcender, une lenteur maniériste des déplacements attei-gnant des sommets d'élucubrations esthétiques dans la 1ère Journée du cycle, enfin une stylisation parfois peu convaincante (mur de flammes de Brünnhilde plutôt maigre, par exemple), pourraient bien peser lourdement dans la balance appréciative d'une telle approche. D'autant que, plus pro-saïquement, la transmission fonctionnelle n'est pas toujours à la hauteur, comme l'accusent les vilaines ombres portées et diverses incohérences dans la conduite des lumières de Walkyrie.

À la jauge des applaudissements et autres manifestations traditionnelles d'enthousiasme ou de son contraire, il semble qu'une partie de la salle ait estimé inégale la distribution de ces représentations. Il conviendra de nuancer un jugement sans doute rapide et peut-être ingrat, sans perdre de vue qu'un plateau ayant à réunir plus d'une vingtaine de voix n'atteint que rarement, si ce n'est jamais, l'idéal ; exceptionnellement monté, l'ouvrage se confronte ici aux habitus d'écoute de mélomanes élevés aux utopies discographiques ne témoignant pas, par définition, de contingences non négligeables. Pour brièvement résumer, si le chant quelque peu maniéré de Kirsten Blaise s'avère entravé par de l'air sur les cordes vocales, la Wellgunde de Daniela Denschlag jouit d'un timbre plus corsé et présent, servant plus tard Grimgerde. De même Annalena Persson donnera-t-elle une Ortlinde solide et avantageusement sonore. Certes, la Freia de Camilla Nylund manque de charisme et n'est pas toujours très juste, malgré un timbre charmant, mais Annette Jahns offre à Flosshilde puis Schwertleite un contralto chaleureux autant que puissant, ménageant une fort belle ligne de chant. Avec un grave parfois problématique, Qiu Lin Zhang sait cepen-dant honorer Erda d'un impact vocal flatteur non dépourvu de couleurs. Vérifiant le paradoxe d'une voix assez souple qu'elle n'éveille pleinement qu'au troisième acte (Die Walküre), Petra-Maria Schnitzer campe une Sieglinde finalement lumineuse. Enfin, un rien trop raide à partir du haut-médium, la voix de la Brünnhilde de Linda Watson n'en possède pas moins le format du rôle, comme l'ultime passage du dernier acte - somptueux - le démontre.

Côté messieurs, il nous faut bien avouer ne pas saisir ce que fait ici Jukka Rasilainen, campant un Wotan allègrement faux, au timbre parfai-tement disgracieux, dont l'émission semble soumise à un placement vocal indéfini et changeant ; le résultat : des attaques improbables, une conduite chaotique de la ligne de chant, dans une étrange conjugaison dont la vocifération se fait plus d'une fois l'auxiliaire. Au beau phrasé du Fafner un peu confidentiel de Günther Groissböck répondent la diction stimulante et le timbre avantageusement défini du Fasolt de Franz-Josef Selig. En Loge, David Kuebler s'ose à une théâtralité rafraîchissante que soutient une prestation vocale peu sereine qu'un certain contrôle technique parvient à crédibiliser. Le Froh à l'aigu chatoyant de Endrik Wottrich témoigne d'un inestimable souci du phrasé, de la nuance et de la musicalité en général, bien que la projection demeure encore en deçà des possibilités de ce chanteur. À l'inverse, la voix de Laurent Alvaro est plus immédiatement flatteuse en Donner, avec moins d'effort artistique. Le timbre épicé, la grande maîtrise du souffle et l'infatigable vaillance de Peter Seiffert servent idéalement le rôle de Siegmund dont néanmoins l'on regrette le grave laissé pour compte. Coloré, généreusement sonore, toujours intelli-gemment mené, Mime trouve en Volker Vogel une incarnation bienvenue qu'aucune réserve ne saurait ternir. Avec une voix énorme, une expressivité d'un raffinement indicible, Stephen Milling impose un Hunding d'une évidence écrasante dont la fauve et redoutable félinité, incroyablement intériorisée dans cette mise en scène qui ne laisse aucune place à un registre plus expansif, est proprement fascinante.

Ces premiers pas du nouveau Ring du Châtelet désignent ses triomphateurs : le baryton Sergeï Leiferkus, le mezzo-soprano Mihoko Fujimura et les musiciens de l'Orchestre de Paris. Le premier construit prudemment un Alberich qui se révèle toujours plus vaillant au fil de la soirée, grâce à la maîtrise technique d'un très grand métier, mais aussi à une dimension artistique sensible et ténue. La seconde dessine une Fricka aimante d'un timbre exquis, conduisant d'un chant souple et toujours nuan-cé une voix soigneusement construite et sans faille dont on saluera l'égalité sur toute l'étendue de la tessiture. Enfin, la formation parisienne fait preuve d'une efficacité remarquable, par la belle unité de ses cordes graves (Das Rheingold), des bois irréprochables, et surtout des cuivres totalement à la hauteur des exigences de la partition. Au pupitre, Christoph Eschenbach étire le temps du Prologue en ciselant minutieusement la couleur ; au-delà de la solennité peut-être attendue, on y gagne un raffinement de sonorité annonçant certes Parsifal, mais plus encore Le Roi Arthus et Pelléas & Mélisande, suites logiques et françaises de la révolution wagnérienne. Dans cet acte unique où il se passe beaucoup d'événements, activés par de nombreux personnages, la fosse est étonnamment calme et dense, tandis que dans la 1ère Journée, assez statique, elle se déchaîne en des contrastes et des humeurs plus accusés ; du coup, un équilibre avec la mise en scène est sainement obtenu, créant cette salutaire dynamique dont la lente déambulation wilsonienne est dépourvue.

Rendez-vous en janvier avec ce crépuscule annoncé par Erda (Siegfried les 26 et 31 janvier, 5 et 8 février ; Götterdämmerung les 28 janvier, 2, 12 et 15 février), le cycle complet étant repris pour deux séries au printemps (du 30 mars au 15 avril)…

Bertrand Bolognesi

 

BLOOMBERG.NET
October 25, 2005

Wagner's `Ring' Features Eschenbach, Singing Zombies in Paris

By Jorg von Uthmann

Oct. 26 (Bloomberg) – Richard Wagner hated the Parisians because they had humiliated him in 1861 with noisy demonstrations against ``Tannhauser.'' His opera had to be withdrawn after three performances.

Since then, the Parisians have made up for their poor behavior. While the Opera Bastille is reviving last year's production of ``Tristan und Isolde,'' the Theatre du Chatelet has just started a new ``Ring des Nibelungen'' -- only 11 years after its last production of the tetralogy.

Given the lamentable state of Wagner singing today, this persistence must be called audacious.

In fact, the ``Ring'' is not entirely new. It is a coproduction with the Zurich Opera House where it was launched in 2000 with a different cast and conductor.

The director, Robert Wilson, is known for his minimalist, stylized approach. The 64-year-old has not changed.

``Das Rheingold'' and ``Die Walkure,'' the first half which runs through Nov. 5, are beautiful to view, but undramatic almost to a point of stupor.

Slow-Motion Cult

The characters move slowly, not unlike priests of an exotic cult, their hands stretched out in hieratic poses. There is little interaction between them, reminding us that Wilson was once a movement therapist for autistic people.

The stage is empty most of the time. There are only a few props. The Rhinegold is suggested by a yellow light, the magic fire that encircles Brunnhilde's rock by three meager rows of gas flames.

The light, as usual, is an essential part of Wilson's concept. It often changes abruptly, turning a character into a silhouette in front of a delicately illuminated background.

There is nothing Teutonic about the costumes (Frida Parmeggiani). They are an eclectic mix of Western evening dresses, Japanese kimonos and Egyptian headgear.

For both Christoph Eschenbach and his Orchestre de Paris, this is their first encounter with the ``Ring.'' The lack of experience could have been a liability, yet it proves to be an asset. Their playing is disciplined, but sounds spontaneous.

The conductor takes his time -- 255 minutes for ``Die Walkure,'' almost half an hour longer than Georg Solti in his classic recording.

Chamber Music

In interviews, Eschenbach had said that he didn't plan to follow the weighty Furtwangler or Knappertsbusch tradition, but instead would adopt the approach of his mentor, von Karajan, who treated the score as chamber music. That is exactly what he does. Long stretches of the text can be understood without looking at the surtitles.

Cynics will say that Eschenbach is making a virtue of necessity. They have a point. Most of the singers would have been drowned out by an orchestra at full throttle -- not least Brunnhilde (Linda Watson) who sounds seriously undernourished.

Other vocal problems abound: Wotan (Jukka Rasilainen) has a shaky intonation. Siegmund (Peter Seiffert) impresses with his heroic high range, but his low notes are almost inaudible. Sieglinde (Petra-Maria Schnitzer) lacks warmth. Alberich (Sergei Leiferkus) is powerful, though unsubtle.

The best of the lot is David Kuebler, who delivers Loge's malicious remarks with incisive clarity.

The second half of the tetralogy, ``Siegfried'' and ``Gotterdammerung,'' will be performed in January and February. In April, the whole cycle will be repeated with Placido Domingo as Siegmund.

 

Il giornale della musica
2 novembre 2006

Das Rheingold secondo Wilson

Le quattro giornate sono dunque cominciate. È noto che Jean-Pierre Brosmann ha scelto Der Ring des Nibelungen per il suo addio alla direzione dello Châtelet. Che dal prossimo anno passa ufficialmente nelle mani di Jean-Luc Choplin. L'intera tetralogia nello spazio di una sola stagione? È questo il progetto di Brosmann che è andato a pescare un collaboratore di sempre: Robert Wilson. Sarebbe già un evento, senza che lo Châtelet avesse in più avuto l'audacia di avvalersi del sostegno dell'Orchestre de Paris, compagine non tradizionalmente legata al repertorio wagneriano. Una miscela inaspettata che fomenta interesse e curiosità?

A giudicare dal botteghino, l'impresa è riuscita. E artisticamente? Qual è l'esito di queste due ore e mezza eseguite tutto d'un fiato, senza intervallo? Wilson opta per un'estetica misura, controllata. Fin dalle prime immagini, è chiaro quale sia il suo modello ispiratore: un teatro giapponese stilizzato, epurato dall'occhio dell'occidentale che tenta un sincretismo tra la tradizione Nô e i film di Kung Fu (con le scene di duello passate al rallenti, però). Tutto è lento, soppesato tanto da finire per trasformare questo Oro del Reno in un rituale fuori dal tempo. E certo non è solo la regia a determinare quest'atmosfera: ci mettono lo zampino pure i costumi (Frida Parmeggiani) e le luci (Kenneth L. Schutz), entrambi posti sotto la supervisione di Wilson. Lo spettatore ritrova, una dopo l'altra, scene che alla lunga finiscono per apparire come ripetitive.

In ogni caso, l'estetica di Wilson si rivela contagiosa. Pure l'esecuzione musicale si adatta al diapason del regista americano. Inutile attendersi esplosioni liriche o slanci orchestrali. D'altra parte, la visione controllata "alla giapponese" pare perfettamente andare a braccetto con quello che il direttore d'orchestra aveva dichiarato alla vigilia: Eschenbach vede nel Ring "un'atmosfera da musica da camera". E non si tratta di una frase ad effetto, a giudicare dall'esito.

L'Orchestre de Paris si rivela la vera (felicissima) sorpresa della serata. Il cast fa il resto. Spiccano Mihoko Fujimura (Fricka) e Qiu Lin Zhang (Erda). Prodigiosamente sorprendente Sergei Leiferkus. Non al massimo delle sue possibilità è, invece, sembrato Jukka Rasilainen (Wotan). Un inizio che dà voglia di vedere il resto.

Alessandro Di Profio