L Alsace
Le 21/04/08

À l’Opéra du Rhin: "Die Walküre" de Richard Wagner
Nouvelle Production à l’Opéra national du Rhin avec la première journée du Ring des Nibelungen de Richard Wagner.

Après Das Rheingold, production marquante de sa saison 2006-2007, l’Opéra national du Rhin poursuit La Tétralogie de Wagner avec Die Walküre. Pivot essentiel entre L’Or du Rhin et les opéras à venir qui narrent l’épopée de Siegfried, cette première journée, introspective et émouvante, nous plonge au cœur de la faute d’un dieu, mais d’un dieu trop humain.

Pour ce second volet de La Tétralogie, nous retrouvons David McVicar qui a mis en scène la saison dernière Das Rheingold. Il s’associe à la plasticienne et décoratrice de renommée internationale Rae Smith, qui travaille régulièrement pour le théâtre et l’opéra. Le travail de lumière est réalisé par Paule Constable. Cette première journée du Ring est l’occasion d’accueillir le chef d’orchestre Marko Letonja qui dirige l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.

Une distribution de renommée internationale, avec dans les rôles principaux : Jason Howard qui endosse à nouveau le rôle de Wotan, Hanne Fischer celui de Fricka et Clive Bayley celui de Hunding. Et aussi Jeanne-Michèle Charbonnet (Brünnhilde), qui a interprété à l’Opéra national du Rhin le rôle de Kundry dans Parsifal en 2003. Simon O’Neill fait ses débuts à l’Opéra national du Rhin dans le rôle de Siegmund, ainsi que Orla Boylan en Sieglinde. Trois ex-Jeunes Voix du Rhin complètent cette très distribution : Karen Leiber (Gerhilde), Kimy McLaren (Ortlinde) et Annie Gill (Waltraute).

 

La Libre Belgique
23/04/2008

opéra
La Walkyrie selon David Mc Vicar
A l'Opéra du Rhin à Strasbourg se joue le troisième volet du Ring.

N.B.

A côté des Tétralogies confiées, traditionnellement, à un même chef et un même metteur en scène pour les quatre soirées, on connaissait déjà les Tétralogies avec un chef et quatre metteurs en scène. A Strasbourg, l'Opéra du Rhin invente l'hypothèse contraire : après Gunther Neuhold l'an passé pour "L'Or du Rhin" et avant Claus-Peter Flor en 2009 pour "Siegfried", c'est le Slovène Marko Letonja qui dirige actuellement (avec beaucoup d'efficacité, mais un lyrisme limité) "La Walkyrie". Mais David Mc Vicar reste fermement aux commandes de la conception scénique.

Les spectateurs belges connaissent bien ce dramaturge britannique qui a travaillé sur nos trois scènes lyriques, mais surtout à la Monnaie où on garde notamment en mémoire ses opéras baroques avec René Jacobs, "Agrippina" ou "L'Incoronazione di Poppea". Mais pour Wagner, Mc Vicar a laissé au vestiaire son humour ravageur, proposant une lecture d'apparence plutôt sage, mais qui se caractérise par la qualité rigoureuse de la direction d'acteurs et par un kaléidoscope de références visuelles, des arts primitifs (les masques) au Cirque du Soleil (les chevaux des Walkyries, mi-homme mi-structures de métal) et de l'Antiquité au monde des samouraïs (Hunding, en l'occurrence). Tout en respectant l'essentiel des didascalies (Fricka arrive même avec ses béliers), l'Anglais sait trouver les gestes, les attitudes et les visuels qui font comprendre aux spectateurs le sens de certains mots et de certaines situations. De l'amour à la violence, il sait aussi restituer chaque sentiment.

Si le Belge Marc Clémeur prendra la direction de l'Opéra du Rhin en 2009, l'actuel patron est l'Anglais Nicholas Snowman, et cela se remarque à une distribution essentiellement anglo-saxonne (notamment une Sieglinde, Orla Boylan, chantant avec un accent irlandais !) On retiendra particulièrement le Siegmund puissant de Simon O'Neill, le Wotan noble mais un peu limité de Jason Howard, la Brünnhilde vaillante de Jeanne-Michèle Charbonnet (mais l'instabilité de son aigu fait craindre pour "Siegfried") et la Fricka implacable de la Danoise Hanna Fischer. Belle prestation de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg.

 

resmusica
19 avril 2008

[Scène] Lyrique
[Strasbourg] La Walkyrie
Seconde étape d’un Ring qui fera date

par Michel Thomé

Après un prologue enthousiasmant la saison dernière, l’Opéra du Rhin poursuit sa Tétralogie wagnérienne répartie sur quatre années avec la Walkyrie, le plus facile d’accès et le plus souvent joué des quatre opéras constituant le Ring des Nibelungen. Etaient très attendus dans cette production la suite de la vision du metteur en scène David McVicar et la présence de la somptueuse Jeanne-Michèle Charbonnet en Brünnhilde.

A l’issue de la première de ce spectacle, on peut dire sans exagérer que le metteur en scène écossais atteint ici la quintessence de son art. Les décors de Rae Smith, encore plus épurés que ceux de l’Or du Rhin, ne gardent que les éléments les plus caractéristiques : au premier acte, un arbre en forme de totem où est fichée l’épée promise à Siegmund, les masques symbolisant l’éternité des dieux suspendus au plafond du Walhalla au second et au troisième, un rocher de Brünnhilde en forme de masque couché monumental, qui s’ouvrira pour recueillir le corps de la Walkyrie endormie. Le fabuleux travail de Paule Constable sur les lumières, constamment changeantes, qui privilégie les éclairages par l’arrière ou de côté, magnifie et diversifie cette scénographie. On l’a déjà écrit, la force du travail de David McVicar tient essentiellement à son exceptionnelle direction d’acteurs. Dans un respect absolu des didascalies, il trouve à chaque instant le geste juste, non convenu et d’un total naturel, qui éclaire sur les sentiments profonds des protagonistes et leur évolution psychologique. Cela nous vaut, entre autres, un duo Siegmund-Sieglinde d’un puissant érotisme et profondément émouvant, un affrontement Wotan-Fricka d’une rare violence contenue ou des adieux de Wotan à sa fille d’une indicible tendresse. L’ahurissante Chevauchée des Walkyries nous montre les huit étalons fougueux et bondissants des filles de Wotan, personnifiés par des figurants chaussés de dispositifs à ressort et coiffés d’une tête de cheval stylisée. Grand moment de théâtre encore à la toute fin du spectacle ; après avoir étendu Brünnhilde plongée dans un sommeil magique et avoir déclanché autour d’elle le feu protecteur, Wotan, dos au public, est dépouillé de sa tenue divine, d’inspiration japonaise, littéralement mis à nu et endosse son manteau d’errance, de Wanderer pour quitter la scène avec lassitude, en marche déjà pour Siegfried, troisième journée du Ring. Du très, très grand art !

D’une distribution sans point faible émergent deux joyaux absolus. La surprise vient du fantastique Siegmund de Simon O’Neill. Ce chanteur d’origine néo-zélandaise possède en effet la vaillance du rôle – ses " Wälse ! " timbrés, puissamment projetés et longuement tenus ont tétanisé la salle – mais aussi des capacités de lyrisme qui lui autorisent un " Winterstürme wichen dem Wonnemond " très poétique. Avec de telles qualités, rien d’étonnant à ce qu’il soit déjà appelé par Covent Garden à Londres ou le Metropolitan Opera de New York dans ce rôle et celui de Lohengrin. En Brünnhilde, Jeanne-Michèle Charbonnet se situe quasiment au même sommet. Son authentique voix de soprano dramatique, au medium et aux graves riches en harmoniques, est longue, puissante, d’une parfaite homogénéité. Seul, l’extrême aigu de la tessiture est quelquefois atteint avec effort, comme dans ses " Hojotoho ! " d’entrée. Coiffée d’une chevelure rousse flamboyante, elle incarne la vierge guerrière dans tous ses aspects.

Le Wotan de Jason Howard nous était paru un peu pâle dans l’Or du Rhin. Incontestablement, la Walkyrie lui réussit mieux. La voix a gagné en puissance, la prononciation de l’allemand s’est notablement améliorée et l’acteur est beaucoup plus impliqué. Le timbre, d’une belle eau, reste fondamentalement un peu clair pour ce rôle, à notre goût, avec des aigus toujours très ouverts. Mais le chanteur gère remarquablement ses moyens sur l’ensemble de la représentation et termine crescendo avec des Adieux remarquables, puissamment timbrés et dominant l’orchestre. La Sieglinde de Orla Boyan peine un peu à s’imposer, surtout face à un tel Siegmund. Sa voix au timbre un peu acide, de puissance moindre, tend à s’assourdir dans le registre grave et trouve mieux à s’exprimer dans la détresse et la terreur du second acte que dans la douceur et la tendresse du premier. Parfait Hunding de Clive Bayley, en chef d’un clan de samouraïs, à l’émission pleine d’autorité et aux graves profonds et timbrés. Très bonne Fricka également de Hanne Fischer, tranchante, cinglante et un peu mégère comme il se doit mais qui se montre prête à jouer de sa séduction avec Wotan pour arriver à ses fins. On a entendu groupe de Walkyries plus homogène et moins criard mais leur prestation plus qu’honnête ne dépareille pas une distribution remarquable.

Après sa piètre prestation dans l’Or du Rhin, l’orchestre symphonique de Strasbourg est apparu heureusement transfiguré. A sa tête, le jeune Marko Letonja a su rassembler et galvaniser les pupitres et proposer une lecture d’une grande probité et lisibilité, sans lourdeur ni édulcoration. Sa baguette varie les atmosphères, tour à tour intensément lyrique au premier acte, cursive et accompagnant le discours au second, épique au troisième où il a tout de même tendance à un peu trop libérer la puissance de l’orchestre au détriment des chanteurs.

La Walkyrie du Ring strasbourgeois a tenu toutes ses promesse et au-delà. Acclamée par le public, elle confirme que cette Tétralogie vue par David McVicar, dont il faut rappeler qu’il s’agit de la première incursion dans l’univers wagnérien, réussit la gageure d’en renouveler l’approche par un retour à la fidélité au livret et à la simplicité originelle du mythe. Mais il faut rendre grâce aussi à Nicholas Snowman et à toute l’équipe artistique de l’Opéra du Rhin d’avoir su trouver les chanteurs susceptibles de rendre justice à la partition et de s’intégrer naturellement à cette mise en scène. Rendez-vous pour Siegfried en février 2009.

Crédit photographique : © Alain Kaiser

Strasbourg. Opéra National du Rhin. 18-IV-2008. Richard Wagner (1813-1883) : Die Walküre, opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : David McVicar. Décors et costumes : Rae Smith. Lumières : Paule Constable. Chorégraphie : Andrew George. Avec : Simon O’Neill, Siegmund ; Orla Boylan, Sieglinde ; Clive Bayley, Hunding ; Jason Howard, Wotan ; Jeanne-Michèle Charbonnet, Brünnhilde ; Hanne Fischer, Fricka ; Karen Leiber, Gerhilde ; Kimy McLaren, Ortlinde ; Annie Gill, Waltraute ; Katharina Magiera, Schwertleite ; Sophie Angebault, Helmwige ; Linda Sommerhage, Siegrune ; Sylvie Althaparro, Grimgerde ; Varduhi Abrahamyan, Rossweisse. Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction : Marko Letonja.

 

altamusica.com
24 avril 2008

CRITIQUES DE CONCERTS
Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner mise en scène par David McVicar et sous la direction de Marko Letonja à l’Opéra du Rhin.

Une Walkyrie de théâtre


Jason Howard (Wotan)

Succès toujours aussi éclatant pour le deuxième volet du Ring de David McVicar à Strasbourg, avec une Walkyrie à la scénographie d’une beauté à couper le souffle et à la direction d’acteurs proprement fabuleuse. Un plateau jeune et la direction nerveuse de Marko Letonja à la tête d’un orchestre ressuscité participent à un grand moment de théâtre.

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 18/04/2008
Yannick MILLON

Après la fulgurante réussite de Rheingold, on attendait beaucoup de la Walkyrie de David McVicar à l’Opéra du Rhin, deuxième étape d’un Ring wagnérien programmé sur quatre saisons. Car immédiatement passé le prologue tétralogique, la première journée fait une part nettement plus large à l’humain, et peu de metteurs en scène savent rendre aussi pleinement justice à l’un qu’à l’autre.

Parmi ces quelques happy few, l’Écossais parvient, en plus d’une direction d’acteurs psychologique et très physique, structurant l’espace scénique et la temporalité wagnérienne de manière à éviter tout statisme, à laisser une large place au mythe, par la scénographie, l’utilisation de fumées chéraldiennes et un fabuleux travail d’éclairage, en ne reniant aucune des trouvailles qui avaient fait le succès de l’Or du Rhin.

Ainsi, aux enjeux internes – la terrible brutalité de Hunding, sa violence sadique au meurtre ; la quasi absence de civilisation d’un Siegmund homme des bois qui embrasse une Brünnhilde désarçonnée lors de son retournement ; le côté " femme au bord de la crise de nerfs " d’une Fricka torturée sachant qu’en prononçant son verdict, elle a perdu son époux pour toujours ; les déchirements d’un Wotan qui file la métaphore christique, prenant autour de sa lance sur les mots " Das Ende " la position du sauveur sur la croix, avant de revêtir finalement la robe du Voyageur – répond le visuel de toute beauté du mythe – les hommes de Hunding stylisés façon arts martiaux ; les béliers humains de Fricka le dos couvert de coups de fouet ; les hommes-chevaux en armure des Walkyries, se cabrant en un saisissant ballet équestre au III ; le frêne noueux orné d’un crâne animal à la manière de Wieland Wagner ; le masque-rocher de Brünnhilde, qui s’ouvrira pour accueillir le sommeil de la Walkyrie déchue ; les frondaisons lumineuses et ondoyantes du printemps – en confirmant que les meilleures solutions scéniques restent souvent les plus simples.

Jason Howard est un Wotan clair et bien projeté, fort pour sa prise de rôle d’un grave net et d’une excellente gestion de ses longs monologues. Un rien d’accent trahit une origine plus anglo que saxonne et les éclats de colère sonnent encore frais, mais ce baryton mordant à la Stewart ou Fischer-Dieskau tient la distance sans posséder la maturité, l’autorité d’autres typologies vocales.

Hanne Fischer est une Fricka somptueuse de timbre et des plus engagées, aux tourments tout à fait crédibles. À fleur de peau, tantôt fragile, tantôt d’une volonté de fer, la Sieglinde d’Orla Boylan est handicapée par un timbre d’une ingrate verdeur et une émission grêle à notre sens rédhibitoires dans le répertoire lyrique.

Au moins laisse-t-elle une empreinte dramatique dont la vocalité mastoc, l’absence d’intentions et les stridences de l’aigu de la Brünnhilde de Jeanne-Michèle Charbonnet ne sauraient se prévaloir. Depuis le Tristan de Genève, la voix de la Canadienne, de moins en moins attentive au mot, n’a cessé de s’épaissir, l’émission de s’enrober.

Si le Hunding trompette de Clive Bayley ne marquera pas les esprits, la distribution, jeune, vaut pour la découverte du Néo-zélandais Simon O’Neill, Siegmund d’une superbe santé, timbré très haut, parfois nasal dans la vitesse du débit mais d’un réel héroïsme, d’aigu conquérant et d’une attention à bien chanter qui en font l’incarnation la plus probante de la production.

La meilleure surprise reste toutefois la prestation de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, si problématique l’an passé dans l’Or et ce soir comme transfiguré, fruit d’un changement de chef salutaire. Le jeune Marko Letonja conduit sans chute de tension ni relâchement une Walkyrie nerveuse, dramatique – une Chevauchée d’anthologie – et narrative – la précision de chaque timbre dans les monologues –, avec un remarquable sens des transitions et de la relance du tempo. La saison prochaine pour Siegfried, ce sera Claus Peter Flor…

Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner mise en scène par David McVicar et sous la direction de Marko Letonja à l’Opéra du Rhin.

Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1870)
Livret du compositeur

Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Marko Letonja
mise en scène : David McVicar
décors et costumes : Rae Smith
éclairages : Paule Constable
Avec : Simon O’Neill (Siegmund), Jason Howard (Wotan), Clive Bayley (Hunding), Orla Boylan (Sieglinde), Jeanne-Michèle Charbonnet (Brünnhilde), Hanne Fischer (Fricka), Karen Leiber (Gerhilde), Kimy McLaren (Ortlinde), Annie Gill (Waltraute), Katharina Magiera (Schwertleite), Sophie Angebault (Helmwige), Linda Sommerhage (Siegrune), Sylvie Althaparro (Grimgerde), Varduhi Abrahamyan (Rossweisse), David Greeves (Grane).

 

Webthea
22 Avril 2008

Opéra & Classique: Die Walküre/La Walkyrie de Richard Wagner
Chevauchée fantastique au royaume des Nibelungen

Après un Or du Rhin revisité en BD avec des yeux d’enfant mais qui avait musicalement quelque peu déçu, l’Opéra de Strasbourg aborde La Walkyrie, deuxième volet de la tétralogie du Ring des Nibelungen et cette fois gagne son pari.

Par Caroline Alexander

La poésie de l’univers de David McVicar, metteur en scène d’Ecosse qui a pris l’habitude de nous émerveiller et de nous faire rire, qu’il aborde Mozart, Monteverdi, Haendel ou Britten, reste omniprésente. On retrouve ses costumes à identités multiples, entre imagerie médiévale, guerrier du Nil et samouraï japonais, les plans suspendus de ses décors, ses murailles d’argent, ses coulées de lave éteinte, ses éclairages crépusculaires et le joyeux imaginaire de ses chorégraphies. Les flammes qui au final de cette Walkyrie vont capturer Brünnhilde - et qui, deux soirées plus loin, marqueront l’anéantissement des dieux - dansent sur le plateau dès le lever de rideau dans des fumées où erre le vagabond Siegmund. L’idylle incestueuse du frère et de la sœur, jumeaux arrachés l’un à l’autre en enfance, se retrouvant et se reconnaissant sur un coup de foudre, va se nouer et se concrétiser dans une sorte de nocturne, où veillés par le frêne porteur de leur destin, leurs sens s’éveillent autant que leur révolte.

Des danseurs acrobates hissés sur d’étranges échasses

Wotan, le dieu qui les engendra avec une mortelle, apparaît dans ses mystères, sous une galerie de masques impassibles tandis que deux oiseaux de nuit battent des ailes et s’envolent dans les cintres. Ni transposition dans le temps, ni transfert dans l’espace, McVicar reste dans la légende et n’escamote rien, les casques, les armures, les boucliers sont tous au rendez-vous, agrémentés de détails qui en décalent les métaphores et leur donnent des suppléments d’humour. Les chevaux célestes, Grane et les autres, en constituent le clou : animés par des danseurs acrobates hissés sur d’étranges échasses en forme de sabots et coiffés d’armatures légères reconstituant une tête de cheval, ils piaffent, bottent, se coursent, se renversent et entraînent les guerrières walkyries et leurs trophées. La trouvaille, inédite et savoureuse, est une nouvelle fois signée David Greeves, ce chorégraphe-danseur dont la spécialité est de tourbillonner dans les airs. Compère fidèle de McVicar, il l’accompagna dans un merveilleux Songe d’une nuit d’été à Bruxelles et plana dans l’Or du Rhin en irrésistible lingot volant.

Autre allégorie bienvenue, celle de ce masque géant posé à même le sol pour figurer le rocher de leur olympe et qui au moment des adieux va s’ouvrir puis se refermer sur la prison sépulture de la walkyrie bannie. Pour résoudre l’éternel casse tête de trouver une solution nouvelle à un problème devenu mythique, l’idée est astucieuse.

Jeanne-Michèle Charbonnet, Brünnhilde quasi idéale

La direction d’acteur n’est pas en reste. Les relations de Wotan et de Brünnhilde, sa préférée rebelle, se tendent sur le fil de leur passion et de leurs dissensions comme la corde d’un arc prêt à combattre. Rarement la musique sublime de leurs adieux aura atteint un tel degré d’émotion. Il est vrai que Jeanne-Michèle Charbonnet incarne une Brünnhilde quasi idéale, le timbre généreux jusque dans les aigus en montagnes russes, la projection impeccable et le jeu, juvénile et convaincant. Grâce à elle le Wotan de Jason Howard, plus à l’aise que dans L’Or du Rhin, mais encore en retrait de puissance et de chaleur vocale, finit par acquérir une dimension à la fois héroïque et pathétique, lui, le dieu absolu qui avoue être devenu " l’esclave de ses propres pactes ". Sieglinde a la fraîcheur de la soprano irlandaise Orla Boylan, émouvante malgré un timbre fragile et un vibrato pas toujours maîtrisé. Bonne prestation de Hanne Fischer en Fricka embourgeoisée, mais déception pour Hunding dont la basse anglaise Clive Bayley n’a ni la voix ni la carrure. Plaisir intense enfin d’entendre un vrai heldentenor avec Simon O’Neill, ténor néo-zélandais qui porte Siegmund sur ses larges épaule et sa voix solaire.

Le chef slovène Marko Letonja, familier des opéras de Bâle, Genève, Berlin, Melbourne ou Milan, fait ses débuts en France via Strasbourg dont il hisse l’Orchestre Philharmonique, malgré quelques mollesses, à un niveau de qualité en accord avec les exubérances wagnériennes.

Die Walküre/La Walkyrie de Richard Wagner, Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction Marko Letonja, mise en scène David McVicar, décors et costumes Rae Smith, lumières Paule Constable, chorégraphie Andrew George, vols et déplacement David Greeves, masques Vicky Hallam. Avec Jeanne-Michèle Charbonnet, Simon O’Neill, Jason Howard, Orla Boylan, Clive Bayley, Hanne Fischer, Karen Leiber, Kimy McLaren, Annie Gill, Katharina Magiera, Sophie Angebault, Linda Sommerhage, Sylvie Althaparro, Varduhi Abrahamyan, David Greeves.

Opéra National du Rhin à Strasbourg, les 18, 21 avril, 2 & 6 mai à 18h30, le 27 avril à 15h – 03 88 75 48 23 La Filature de Mulhouse, le 16 mai à 18h30, le 18 à 15h – 03 89 36 28 28.

crédit photos : Alain Kaiser

 

FINANCIAL TIMES
April 21 2008

Opéra National du Rhin, Strasbourg
Die Walküre

By Francis Carlin

On the mend. The first leg of David McVicar’s Ring staging got off to a bad start last year, sabotaged by chaotic playing from the ailing Strasbourg Philharmonic. The good news is that Walküre finds the orchestra vastly improved. It is not yet a crack formation, but clearly the arrival of Marc Albrecht as music director has speeded up the convalescence.

The Slovenian Marko Letonja was the conductor on this occasion. He has a strong grip on every aspect of the Wagnerian emotional spectrum, from beautifully modelled chamber-music effects to stentorian grandeur. He also deploys a compelling variety of tempi with admirable confidence, and he is singer-friendly, achieving a near-perfect balance between stage and pit.

McVicar’s Rheingold made largely cosmetic attempts at making the myth universal, an alternative to political interpretations of the story. It boiled down to a pretty ethnic catwalk and his Walküre suggests that he has no comprehensive ground plan for the cycle. The surviving stylistic strands from the Prologue – Hunding’s posse in balletic samurai pose, a brief appearance from a group of masks – are really no more than decorative confetti, harmless if mildly ridiculous.

Wotan is still the elegantly attired Japanese warrior in flowing robes, shapely, right pectoral uncovered; straight from the gym as a rear view of his naked body later confirms. At least this adds some zest to Rae Smith’s gloomy sets.

McVicar is best at simply telling the story. Siegmund’s death is magnificently done, good physical action as Hunding sadistically twists his spear in the fatal wound. A pity, then, that the production also comes with the camp frippery of bare-chested extras. And the noisy Valkyrie horses, prancing gymnasts on bouncy metal stilts who throw themselves into orthopaedic aerobics, form a circus act worthy of the Las Vegas Strip.

The casting is eccentrically mixed. How ironic that a city on the German border should use no German speakers in the principal roles. The Irish brogue of Sieglinde (Orla Boylan, sometimes radiant, mostly awkward) can be heard through her approximate German. And Clive Bayley’s snarling Hunding is no treat for the ear, however menacingly he patrols his space.

Hanne Fischer, the Danish Fricka, is suitably authoritative and, although Jason Howard’s youthful Wotan is definitely on the light side, it is still impressive how he marshals consonants to make the voice carry. Jeanne-Michèle Charbonnet’s Brünnhilde is a bête de scène in the Gwyneth Jones tradition, with excellent diction and a sumptuous middle range – everything but the top notes, which are laboured and wobbly. Surviving the shouting match that ends the next leg, Siegfried, will be a daunting challenge.

The main reason to catch this Walküre, apart from Letonja, is Simon O’Neill’s thrillingly sung Siegmund. His acting could be better but such a clean-cut, powerful tenor should mean a full diary for a decade at least. A Siegmund of such steady, lyrical strength is rare indeed.

 

Mannheimer Morgen
22. April 2008

Musiktheater: David McVicar schickt in "Walküre" in Straßburg Wotan auf Selbstsuche
Der Göttervater geht am Stock

Von unserem Mitarbeiter Eckhard Britsch

Und wenn sonst nichts zu berichten wäre über Wagners "Walküre", hätte sich die Reise nach Straßburg zur "Opéra national du rhin" schon gelohnt: Der Walkürenritt im von Gold und Samt leicht angestaubt wirkenden Haus war an Originalität und hitziger Emotion kaum zu überbieten.

Acht durchtrainierte Männer galoppieren in federnden, stilisierten Stahlgestellen über die Bühne, kaum gebändigt von ihren ihrer Macht bewussten Walküren, und von Marko Letonja am Pult des sehr entschlossen wirkenden Orchestre philharmonique de Strasbourg bis zur Erschöpfung musikalisch vorwärts gepeitscht. Ein beeindruckendes Bild, das haften bleibt, weil der Widerspenstigen Zähmung archaische Unmittelbarkeit und immanente Gewalt verströmt.

Mehr als ein packender Hingucker

Doch das Haus bietet noch mehr als diesen packenden Hingucker: Das internationale Solistenensemble hat respektables Maß. Der - auch körperlich - stämmige Heldentenor von Simon O'Neill glänzt als Siegmund durch unerschütterliche Stabilität und attraktive Gestaltung; der gebürtige Neuseeländer schaffte seinen Durchbruch vor reichlich zwei Jahren am Covent Garden. Als Brünnhilde ist Jeanne-Michèle Charbonnet zu bewundern, die sich im Wagnerfach auch als "Isolde" (zuletzt in Madrid) profiliert. Ihre imaginative, temperamentvolle Partieführung, voller Dramatik und groß ausschwingenden Phrasen, lässt keine Wünsche offen; auch die aus Irland stammende Orla Baylan wirkt wie eine ideale Sieglinde, wenn sie ihre Herzensangelegenheit in differenzierte Gesangsfarben verpackt, allerdings während der innigeren Momente etwas überdeckt vom Orchester.

Als Hunding macht der vielseitige Bass von Clive Bayley auf sich aufmerksam, und Jason Howard präsentiert ein bemerkenswertes, weil durchgängige attraktiv gesungenes Partiedebüt als Wotan.

An dieser Figur allerdings machen sich Begrenzungen der Personenführung durch den Regisseur des Abends, David McVicar, fest: Allzu oft muss sich der Göttervater am Speer festhalten. Das Schlussbild aber ist von dinglicher Schlichtheit. Seiner Macht entkleidet, begibt Wotan sich auf die lange Pilgerfahrt zur Selbstsuche.

 

klassik.com
18.04.2008

Wotan steht nackt da
Silbrig schimmernde "Walküre" in Straßburgs "Ring"

Kritik von Prof. Kurt Witterstätter

Leuchtete David McVicars ‘Rheingold’-Vorabend beim neuen Straßburger ‘Ring’ im Februar noch im Goldglanz, so ließ seine britische Ausstatterin Rae Smith die ‘Walküre’ jetzt in silbrig-modernistischem Metallglanz aufschimmern: Gekrümmte Spielflächen, Masken und drahtige Centaur-Köpfe blinkten in Wagners Wälsungen-Oper mit der von Marko Letonja in schwungvoll-tänzerischer Leichtigkeit servierten Musik um die Wette.

Natürlich konnte David McVicar auch die dunklen Seiten der ‘Walküre’ mit seiner Metall-Ästhetik nicht ausblenden. Hundings Argwohn auf die Geschwisterliebe gab er auf schmucklos schwarzer Bühne in rüder Gestik. Der grobe Hausherr wurde von einer achtköpfigen Samurai-Riege eskortiert. Wie McVicar auch Wotan als einen exotischen Tempelherrn in einer Mischung aus Priester und Herrscher anlegte.

Am Ende stand dieser fernöstliche Gottvater vor seiner eigenen, zum Feuerbett für die aufmüpfige Brünnhilde aufgeklappten Riesenmaske nackt da. Seine Jünger – McVicars probates Stilmittel, die Bühne zu füllen – legten dem Götteroberhaupt zur Buße eine Pilgerkutte an. Der verblendete und demaskierte Gottvater soll offenbar auf dem in Mode gekommenen Weg nach Santiago de Compostela sühnen. Sein Weltherrscher-Speer schrumpft zum Pilgerstab.

Man bekommt in den fünf Straßburger ‘Walküren’-Stunden also unter Stadion-Scheinwerfern einiges zu sehen. McVicars zweiter Abend der Wagner-Tetralogie an der ‘Opéra National du Rhin’ ist mit seinen farbigen Rundhorizonten märchenhaft, polyglott, von moderner Ästhetik geprägt und zwischen inniger wie brutaler Gestik plausibel bewegt. Schwächen bestehen in der im ersten Akt oft zu dunklen, später die Zuschauer blendenden Lichtgestaltung. Wie der karge erste Akt überhaupt mit dem Metall- und Maskenspiel der Folgeakte nicht zusammen geht. Auch streift McVicars vielfach eingesetzte Komparserie mitunter das Lächerliche, wie die als Doubles der Walküren ruckartig hüpfenden und hopsenden Centaur-Drahtstelzen.  

Musikalisch entfachte diese Straßburger ‘Walküre’ ausnahmslos helle Begeisterung. Der derzeit viel auf dem fünften Kontinent beschäftigte Slowene Marko Letonja leitete die Straßburger Philharmoniker im Lyrischen inspirierend und im Dramatischen tänzerisch akzentuiert und mitreißend, ohne je zu massig aufzupanzern. Die Hauptpartien waren profiliert und kompetent besetzt. Warm und textverständlich, dabei ermüdungsfrei formte Jason Howard den Wotan aus. Simon O’Neill mobilisierte für den Siegmund mit seinem kompakt glänzenden Tenor gewaltige Kraft. Als Hunding drohte Clive Bayley in irisierender, metallisch gehärteter Schwärze.

Leuchtende dramatische Kraft entfaltete in oft sportivem Schwung Jeanne-Michèle Charbonnets Brünnhilde. Zwischen lyrischer Empfindung und feurigen Ausbrüchen legte Orla Boylan ihre Sieglinde an, während Hanne Fischer Frickas Unmut in erregter Dauer-Penetranz hinaus schleuderte.

 
Il giornale della musica
21 aprile 2008

Umano, molto umano il Wagner di McVicar

A Strasburgo seconda tappa del viaggio di David McVicar nell'epica wagneriana del "Ring". Riuscita la sua regia dal forte segno personale, cui non corrisponde un'esecuzione musicale piuttosto diseguale, con qualche luce ma anche parecchie ombre nel cast vocale. Appuntamento al 2009 per il "Siegfried".


Per la sua seconda tappa nell'universo del "Ring" – nel contenitore essenziale disegnato da Rae Smith, impreziosito dalle magiche luci di Paule Constable – David McVicar dissemina segni di un mondo arcaico per raccontare l'epica wagneriana, resa nella sua dimensione intensamente umana. C'è la violenza del sentimento di Sieglinde e Siegmund, ci sono i tormenti di Wotan e c'è la sofferenza di Brünhilde, la figlia più amata e quasi un suo doppio nell'esegesi registica (è lei a privarlo della divinità, la maschera di ieratica fissità, confrontandolo con le sue contraddizioni). La lettura di McVicar è lineare, lontana da eccessi intellettualistici, e, più che al testo wagneriano reinterpretato con intelligente libertà, vicina al suo respiro musicale. Per una regia dal forte segno personale ci sarebbe voluta una realizzazione musicale di pari livello, che invece aveva non pochi limiti. Marko Letonja concertava con prudenza eccessiva i primi due atti e si concedeva qualche slancio soltanto nel terzo. Se la sua "Walkürenritt" risultava assai poco memorabile, apprezzabile era invece l'intimistica dimensione cameristica del primo atto. Va riconosciuto che non lo aiutava la gracile prova di un'Orchestre philharmonique de Strasbourg avara di colori e tecnicamente fragile, specie negli ottoni: peccato mortale in Wagner! Piuttosto diseguale anche la compagnia di canto con punte di eccellenza solo nel Siegmund dal bello slancio lirico di Simon O'Neill e nell'intensa Sieglinde di Orla Boylan. Buone anche le prove di Hanne Fischer in Fricka e di Clive Bayley in Hunding. Meno convincenti Jason Howard, privo della profondità di un ruolo complesso come quello di Wotan, e Jeanne-Michèle Charbonnet, attrice perfetta ma inadeguata ad affrontare le asperità vocali del ruolo di Brünhilde.

Stefano Nardelli